Qu’est-ce qui peut bien vous mener à aller passer quelques mois au fin fond du Darfour en compagnie des terribles Janjawids ? Ces « Cavaliers du Diable » (comme aimaient les surnommer les médias occidentaux), accusés de crimes de guerre et de génocide au milieu des années 2000, étaient aussi célèbres à l’époque que les Talibans d’Afghanistan.Pour William Keo, jeune photographe français, c’est avant tout une question de hasard. Au cours d’un travail photographique sur la migration, Keo est allé à la rencontre des exilés soudanais de Paris, avant de partir à la frontière franco-italienne, à Vintimille, où échouent bon nombre de migrants. Suite logique de cette démarche, Keo a continué à remonter le trajet des exilés. Il est donc parti sur place, au Soudan, pour rencontrer ceux qui tentent leur chance vers le Vieux Continent.
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« Sur place, j’ai fait une rencontre déterminante, » rembobine Keo. « Par l’intermédiaire d’un ami d’un ami, je suis allé manger chez le cheikh Souleymane* – un imam très respecté par les Janjawids – pendant le ramadan. » Quand Keo lui a présenté son projet d’aller photographier cette tribu méconnue à la réputation sanguinaire, Souleymane et ses contacts ont un peu tiqué. « Ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais aller les photographier. Personne ne voyait vraiment l’intérêt de ma démarche. »Keo, qui estime que l’histoire des Janjawids n'a été racontée que sous le prisme du conflit et de ses combattants, voulait montrer « autre chose, notamment qu’il n’y a pas que des soldats chez Janjawids ». Il ajoute : « Il existe une véritable organisation avec des sous-chefs, des imams, des fermiers, des professeurs… »Se frayer un chemin jusqu’aux membres de cette tribu n’est pas chose aisée. Le cheikh Souleymane servira alors de « fixeur » à Keo : « Je ne pouvais pas débarquer comme ça chez les Janjawids. Ce sont des gens qui sont très méfiants, d’autant plus qu’il n’y a pas vraiment de journalistes occidentaux dans le pays. » Entrecoupée de longs voyages en voiture pour relier les petits villages des Janjawids, Keo dit avoir pu vivre la vie quotidienne de ces Cavaliers du Diable, dont sa série photo présentée ci-dessous et intitulée دار فور ("Darfour") rend compte.