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Culture

Le Printemps de Septembre en trois œuvres

Notre sélection des immanquables de la biennale toulousaine.
Image de Une : Le Jardin des chuchotements au Couvent des Jacobins. Photo : Diane Arques.

Il y a 25 ans, tourné vers la photographie et dans le Lot, le Printemps de Septembre est aujourd'hui biennal, Toulousain, et résolument dédié à l'art contemporain. Parmi la dizaine d'expositions collectives et autant de personnelles, la rédaction vous met sur les pas des trois expositions qui parlent directement aux corps.

Ragnar Kjartansson au Théâtre Garonne

Pour peu que l'on soit amoureux (ou peut-être bien tout simplement humain), l'installation Visitors de  Ragnar Kjartansson change le cours d'une journée et bouleverse l'ordre des choses. Pourtant, l'installation, immersive, filmée au bord de l'Hudson dans un manoir du XIXe siècle, est simple. Neuf grands écrans à hauteur de regard disposés dans différents endroits d'une salle plongée dans un noir profond. Quelques notes de musique. Mais déjà sait-on, par les frissons qui l'accompagnent qu'il s'agit d'un chef-d'œuvre et qu'elle laissera gorge nouée et corps en pièces. Attachante, l'installation tisse rapidement des liens invisibles au spectateur pour ne plus jamais le laisser partir. Alors il faut en prendre son parti, s'asseoir, s'allonger même. Se laisser gagner par l'émotion de cette pièce qui ravage les sens et le cœur.

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Neuf écrans et autant de musiciens filmés séparément mais jouant le même morceau, chacun brodant et improvisant comme il le souhaite sur un thème donné et une partition établie. Il y a ce blond amusant qui joue dans sa baignoire du Yukulélé. Ce batteur puissant, sous un escalier. Plus loin, un guitariste chevelu qui joue dans un lit, double, occupé par une femme, nue, qui lui tourne le dos. Il y a aussi cette gracieuse violoncelliste qui regarde le ciel en agitant son archet. Tous habitent en musique leur solitude et nous renvoient à la création dans ce qu'elle a de plus intime. Combien d'œuvres manquent une fois quittées ? Visitors fait partie de celles-ci immédiatement familières parce qu'elles ont touché du doigt l'universel.

Hans op de Beeck au couvent des Jacobins

Le Jardin des chuchotements au Couvent des Jacobins

Un désert. Voilà la première impression face à l'installation de Hans op de Beeck, vaste, profonde… ensevelie. Du sable de part et d'autre. Et au milieu, un chemin pour les visiteurs. La salle est immense, la perspective affolante. La pérégrination est longue, elle offre dans ses haltes, la possibilité d'entendre des murmures ici et là. Alors il faut se pencher, tendre l'oreille et écouter. On y parle de « police », de « gens qui courent ». Les bribes, confuses, sortent directement du sable. Il ne semble pas qu'il faille y lire un sens caché. Sauf que l'histoire n'est pas aussi simple. On pourrait s'arrêter à une installation neutre politiquement s'il n'y avait pas, disposées en cours de promenade, des tentes, qui font, à la lecture des phrases entendues, penser à des abris précaires de réfugiés. Peut-être que notre imagination court trop et s'emballe, mais à y regarder de plus près, ces habitats fragiles où de l'eau est en train de chauffer grâce à quelques bûches évoquent une actualité tragique. Sinon, qu'y voir d'autre ? La grâce du sable monochrome qui a envahi le lieu ? Il est parfois trop facile de filer les métaphores et de projeter nos histoires sur l'œuvre d'un artiste mais ici trop de perches nous sont tendues pour les éviter du regard. Symbolique ou non, reste que l'installation est formellement éblouissante et qu'elle offre une méditation, habitée politiquement ou métaphysiquement, chacun choisira.

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Eva Kotatkova à l'Hôtel-Dieu

The Blood is less impressive on Green (Conference of body parts)

« Demandez à la langue ce qui est réellement arrivé ». « Le corps n'est pas là ». Sur de simples feuilles A4 qui jonchent le sol, on lit ces mots. Ces histoires, ce sont Eva Kotatkova qui les raconte, jeune artiste trentenaire Tchèque. Une histoire du corps, comme on pourrait en raconter aux enfants. Mais la naïveté qui habite cette installation n'est qu'apparente. En réalité, le corps trinque, souffre, a mal. Il est selon les mots de l'artiste "soumis à des contraintes, qui servent à unifier les modes de communication et les opinions, et à imposer des normes sociales aux usagers".

 Il n'y a qu'à voir ses collages disposés à l'entrée, sous verre, tous déchirants, pour raccrocher les wagons. Le corps n'a pas seulement mal, il n'est jamais neutre, il est social et politique. Les collages ne sont donc pas seulement des assemblages formels, ils sont un manifeste, fonctionnant toujours selon le même principe : une image vieillotte d'un enfant ou d'un nourrisson tiré d'un magazine à laquelle l'artiste appose un organe du corps, sanguinolent, cru. Un cœur, un poumon, et à côté un enfant qui babille. Plus loin, en cercle, des costumes en feutre rappellent ces mêmes organes, dont la facture évoque volontairement un spectacle de fin d'année. On assiste à cette mise en scène d'une douce violence entre intérêt et gêne et c'est précisément le but, toucher le corps de plein fouet.

Tout ce que vous devez savoir sur ce rendez-vous toulousain est disponible sur le site de l'évènement.  Vous avez jusqu'au 23 octobre pour vous y rendre.