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Comment cette start-up a réussi à vendre une machine à jus 400 balles alors qu'elle ne sert à rien

Juicero disait que sa super invention ultra connectée était indispensable : un journaliste a prouvé qu'on pouvait tout faire à la main.

Sur le site de Juicero, leur FAQ commence par la question la plus basique qui soit : « Comment je fais du jus ? » S'en suit une réponse en cinq étapes. D'abord, « Prenez une brique dans le carton Juicero qui se trouve dans votre réfrigérateur. » Les trois prochaines étapes expliquent comment insérer la brique dans l'extracteur de jus à 400 boules en l'accrochant bien à une sorte de crochet qui se trouve à l'intérieur, puis comment appuyer sur le bouton de mise en marche. Le problème est qu'un journaliste de Bloomberg a découvert qu'il suffit en fait d'une seule étape : «Pressez cette brique à mains nues ». Boom, pas besoin d'une machine hors de prix pour faire le boulot.

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Ça faisait presque un an que Juicero était présenté comme l'enfant prodigue de la Silicon Valley. La start-up a même réussi à accumuler 120 millions de dollars (soit 110 millions d'euros) d'investissement participatif. Le créateur de Juicero, Doug Evans, n'en est pas à son coup d'essai en matière de produit organique et pressé à froid puisqu'il a commencé par créer une chaîne de bars à jus, Organic Avenue. C'est ensuite qu'il a eu l'idée de conquérir l'espace de la maison avec Juicero. L'idée était de devenir le Nespresso (ça parle plus que Keurig en France, non ?) des jus pressés – mais en plus cher. Car si un Juicero se vend actuellement 400$ (365€), il était au départ vendu à la bagatelle de 699$ (640€).

Un article est paru le mois dernier dans le New York Times pour présenter le profil de cette start-up. On y apprend que « M. Evans a commencé à embaucher des ingénieurs en nutrition, en mécanique et en informatique ainsi que des développeurs d'appli » pour perfectionner son joujou. « Mais M. Evans allait bientôt réaliser qu'il manquait encore d'argent. Les ressorts de la machine étaient complexes mais réalisables et c'est surtout la partie électronique et logistique et d'autres détails de ce genre qui venaient grossir l'addition. » Pour résumer : le coût total de Juicero est exorbitant et bien prise de tête.

« J'ai planché dessus pendant 33 mois non-stop, » confiait Doug en septembre dernier dans le podcast Too Embarrassed to Ask. « Et une centaine de personnes bosse aussi dessus. J'estime que Juicero aura un impact important sur la santé de l'humanité à l'échelle planétaire. »

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Même si Juicero avait fait un carton, pas sûr que l'objectif de Doug soit réalisable (il se prend pour l'inventeur du vaccin contre la polio ou quoi ?). Et le fait est que Juicero est loin d'avoir fait le carton escompté. Le journaliste de Bloomberg est allé parler à différentes personnes qui avaient investi dans le projet – et la plupart est dégoûtée d'avoir mis de l'argent pour ce qui n'est rien d'autre qu'un presse-papier connecté qui coûte la peau des fesses.

« Bloomberg voulait tester cet extracteur et ils ont donc confié un Juicero à l'un de leurs journalistes, » racontent Ellen Huet et Olivia Zaleski. « L'expérience prouve qu'il suffit de presser la brique entre ses mains pour obtenir tout autant de jus aussi rapidement – voir plus – qu'avec la machine. »

Doug a beau expliquer que la machine exerce une force de quatre tonnes sur la brique de jus, « assez pour soulever deux Teslas », elle est donc inutile. Il suffit de presser les briques (qui coûtent cinq balles l'unité) directement à mains nues pour obtenir un résultat similaire.

L'entreprise continue de croire en sa machine et les représentants de Juicero tentent de garder la face en expliquant que Juicero est utile. D'un côté, ce n'est pas faux : impossible d'acheter des briques Juicero si vous ne possédez pas déjà la machine Juicero. Mais voilà l'argument de la start-up : « la machine lit un code QR qui se trouve au dos de chaque brique afin de s'assurer que le produit n'est pas périmé et qu'il ne fait pas partie d'un lot défectueux. » Sauf qu'on sait encore lire et que la date de péremption est écrite sur la brique.

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Évidemment, internet s'en donne à cœur joie pour critiquer Juicero. Ce produit serait-il l'incarnation des travers du capitalisme tant vanté par les chantres de la Silicon Valley ? Quelle morale tirer de cette fable des temps modernes ?

Alors que Juicero peine à s'étendre sur tout le territoire américain (la machine n'y est disponible que dans dix-sept Etats), on doute qu'il vienne un jour menacer les amateurs de jus français.

Et nous de pousser un grand « ouf » de soulagement.