Des bites, comme s’il en pleuvait
Photo de couverture : Planche tirée de "Bite Fighter" d'Olivier Texier. (c) Les Requins Marteaux

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Culture

Des bites, comme s’il en pleuvait

Des hommes musclés, des pénis turgescents, de la baston et de l’amour – voilà « Bite Fighter », la dernière B.D. du dessinateur français Olivier Texier.

Je ne sais pas pour vous, mais je me suis souvent demandé ce que serait devenu Fight Club avec cinq ou six poils d'homoérotisme en plus – sachant que, depuis, on a rarement vu Brad Pitt ressembler autant à un acteur de chez Falcon Studios. Peut-être dans Troie, et encore. Mais bon, là n'est pas la question. En effet, que se serait-il passé si David Fincher avait décidé d'engager Colby Keller afin de sombrer brutalement dans l'ambiance la plus cruising qui soit ?

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Le dessinateur Olivier Texier a enfin apporté la réponse que je cherchais désespérément dans les méandres les plus reculés de l'Internet. Avec Bite Fighter, le dessinateur nantais pose sa pierre à l'édifice phallique de la collection BD Cul des Requins Marteaux. Ce stakhanoviste du dessin, grand fan de S.F. bas de gamme et de jeux vidéo de baston, y narre les aventures agonistico-sexuelles de plusieurs hommes aux muscles seyants – le tout dans une fange postapocalyptique d'où les femmes sont complètement absentes.

Double pénétration anale, prises de catch, amour altruiste et K.-O. violents parsèment un monde qui prend son pied dans la baise et la bagarre. C'est dans cet univers impitoyable qu'évoluent les personnages d'Olivier Texier, qui précisait il y a quelques années dans une interview pour le site du9 que son travail se divisait en deux parties. D'un côté, on retrouve les bandes dessinées à l'humour absurde. De l'autre, celles qui explorent les limites, notamment sexuelles. Dès le titre, Bite Fighter se range sans peine dans la seconde catégorie. J'ai passé un coup de fil à Olivier pour qu'il m'en dise un peu plus sur ce qui l'a amené à dessiner des dizaines de phallus dressés vers le Ciel. Je lui ai également demandé de me filer les premières planches de sa B.D., que vous pourrez mater à la fin de l'interview.

VICE : Bonjour Olivier. Vous avez partagé avec vos lecteurs les nombreuses étapes de la création de Bite Fighter via un blog . Lorsqu'on le parcourt, on comprend rapidement une chose : vous êtes un fan de jeux vidéo de combat – et notamment de Pit Fighter. D'où cela vous vient-il ?
Olivier Texier : Depuis que je suis petit, je suis passionné par les jeux vidéo de baston. Ça a toujours été un truc hyper important dans ma vie. J'ai collectionné les jeux de combat pendant des années.

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Au moment où a débarqué Internet, je me suis rendu compte que j'étais mauvais comme un cochon alors que j'y jouais chaque jour des heures durant, et ce depuis des années – depuis que j'avais en ma possession une Megadrive, en fait. En tant qu'auteur de B.D., ça me posait problème. Je perdais du temps et j'en venais à culpabiliser quand je jouais au lieu de dessiner. L'univers des jeux de combat me plaît toujours mais j'ai quand même fini par décrocher un peu.

Quand les Requins Marteaux m'ont proposé de réaliser une BD Cul, je me suis dit que je pouvais m'inspirer de cette passion pour créer une B.D.

Je vois. Et ça vous a fait quoi qu'ils vous proposent de faire partie de la collection ?
Pour moi, c'est un peu la collection ultime. Ils m'ont dit qu'ils avaient apprécié les planches diffusées dans l'un des numéros de Franky et Nicole – c'était un truc sur des guerriers qui baisent entre eux, le tout dans un univers postapocalyptique. C'est à partir de ce moment-là qu'ils ont voulu que je crée une B.D. pour BD Cul.

Et comment s'est passé le processus de création de Bite Fighter, que vous évoquez sur votre blog ?
À l'origine, je m'étais mis en tête de créer la suite de ce que j'avais publié dans le numéro de Franky et Nicole. Mais je n'avais pas vraiment d'inspiration, je tournais en rond. J'ai donc décidé de changer mon fusil d'épaule et de m'inspirer des jeux de baston. Là, ça a été l'euphorie : j'ai créé un truc comme deux pages par jour pendant trois mois.

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Quelles étaient les conditions spécifiques à cette collection ?
En fait, les BD Cul ne font jamais plus de 136 pages. Je me suis plié à cette règle. Je n'ai pas osé demander une « rallonge » auprès des Requins Marteaux, même s'ils auraient peut-être accepté.

Travailler avec des contraintes m'a toujours plu. De telles difficultés vous forcent à vous poser de nombreuses questions. Alors que j'avais finalisé la moitié de Bite Fighter – soit une soixantaine de pages – je me suis dit qu'il me faudrait encore 250 pages pour arriver au bout de l'histoire. J'ai dû m'adapter et supprimer de nombreuses scènes de combat. Ce n'est peut-être pas plus mal, d'ailleurs. Le cœur d'une BD Cul est l'érotisme, pas forcément la baston.

Un érotisme qui vous a conduit à représenter des corps humains dans les moindres détails. Vous semblez très à l'aise dans cette thématique-là.
Je prends du plaisir à représenter la chair, les corps – c'est totalement en lien avec le catch et la pornographie, d'ailleurs.

Vous aimez le catch ?
Tout à fait. J'adore ça. Je ne prétends pas être le plus grand spécialiste de la question, mais je peux tenir une conversation sur le sujet. J'ai mes catcheurs préférés, par exemple. J'ai voulu utiliser cette ressource dans Bite Fighter, car la B.D. en parle très peu, ce que je regrette.

Justement, quel est votre regard sur la B.D. ? Vous en lisez beaucoup ?
Pas vraiment. Je préfère lire des bouquins déviants, écrits par des mecs à la marge. J'apprécie Sade, Dustan – des écrivains qui explorent les marges du corps et de la sexualité.

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En B.D., j'aime les mecs hors normes, comme Benjamin Marra. J'aime son alliance du subversif et de l'humour.

C'est sur ces critères que vous avez choisi les dessinateurs qui ont collaboré avec vous sur Bite Fighter ?
En fait, j'ai voulu m'éloigner un petit peu de la B.D. érotique traditionnelle – même si je connais beaucoup de dessinateurs talentueux dans ce domaine. J'ai choisi Anna Haifisch parce que j'aime son côté mélancolique, un peu terrain vague, son trait très particulier.

Sinon, j'ai également demandé à Juliette Bensimon-Marchina de participer. C'est une dessinatrice que j'adore, notamment depuis la parution de La Caïda & Coyota – son trait est direct, énergique.

Justement, parlons de votre trait maintenant. Comment procédez-vous ?
Pendant longtemps, j'ai répété ce que j'avais appris en cours. J'utilisais une technique traditionnelle, en débutant par un crayonné. Un jour, j'ai lu une interview de Joann Sfar, qui affirmait que le crayonné ne servait à rien et qu'il fallait se lancer à partir d'un simple croquis. J'ai suivi ce conseil et me suis mis à dessiner de manière plus directe, en utilisant un feutre – ce que je fais toujours aujourd'hui.

Mon dessin est peu orthodoxe. D'un côté, je ne me conforme pas au dessin « traditionnel ». De l'autre, je suis encore loin des dessinateurs utilisant une tablette graphique, à l'image de Bastien Vivès. C'est un style risqué, qui me force parfois à redessiner encore et encore une même scène, mais c'est celui qui me satisfait le plus.

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Bien noté. Merci beaucoup Olivier !

Toutes les planches sont tirées de "Bite Fighter" d'Olivier Texier. (c) Les Requins Marteaux

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Romain est sur Twitter.