Riff Raff tombe le masque

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Riff Raff tombe le masque

Catch, science-fiction et trous de mémoire : à la rencontre du plus grand phénomène de foire du rap.

Au cas où vous seriez passés à côté du phénomène, rappelons l'essentiel : Riff Raff est un rappeur-entertainer hors-normes, qui s'est fait un nom en inondant le net de clips - le premier est sorti il y a pile cinq ans. Phénomène de foire assumé à la dégaine infernale, on l'a d'abord pris pour un rappeur parodique ultra-opportuniste et voué à un succès très éphémère. Tout faux : le bonhomme était là pour durer et malgré les réticences du rap game US, il a fini par obtenir le respect de ses pairs, qui, de Chief Keef à Gucci Mane, ont accepté de poser avec cet étrange ovni. Parallèlement, le type s'est révélé être un mastermind en matière d'autopromo - il suffit de voir la façon dont il a trollé le succès du film Spring Breakers. Aujourd'hui à cheval entre le rap et le catch (si, si), il a fait escale à Paris et a accepté de répondre à nos questions. Et contre toute attente c'est un garçon calme qui nous a accueilli, à des années-lumière de son personnage haut en couleurs et constamment surexcité.

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Noisey : Suite à la vidéo où tu faisais visiter ta propriété, de nombreux internautes ont commenté « comment peut-on haïr ce mec, il est adorable, il profite de la vie et s'amuse avec ses chiens ». Tu trouves que ça reflète la réalité ?
Riff Raff : Hmm… Les gens pensent ce qu'ils veulent, c'est leur perception, mais ça reste moi qui décide d'être amical ou « adorable » selon les circonstances, tu vois ce que je veux dire ? Je ne suis pas… Je me contente d'être moi-même. C'est aussi pour ça que je n'aime pas trop donner des interviews, d'ailleurs je n'en fais pas tant que ça. Je préfère rester relax… Et évidemment, je vais avoir l'air ridicule parce que je te dis ça pendant une interview [Rires]. Mais les gens peuvent dirent ce qu'ils veulent, ce n'est pas mon problème. Je ne sais pas si c'est une image fidèle de moi-même, mais s'ils le ressentent comme ça, libre à eux.

Ce n'est pas la première fois que tu viens en France…
Ah si. Attends, je suis déjà venu faire un truc ici ?

Oui, au moins un concert il y a quelques années, au Nouveau Casino.
Oh ! Je ne m'en souviens pas… J'avais complètement zappé ça, désolé. Je m'arrête jamais, c'est pour ça. Du coup je peux même pas te dire ce que j'apprécie ou pas dans ce pays… Je te crois, si tu me dis que je suis déjà passé, je te crois, mais vraiment, j'ai aucun souvenir… [Un membre de son entourage lui dit qu'en plus ils avaient passé un super moment à l'époque] Sérieux ? Damn…

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Je vois que tu as une figurine avec toi, ta carrière de catcheur est toujours d'actualité ?
[Il montre la figurine dans son emballage, à son effigie, en tenue de catch] On bosse sur les contrats actuellement. Des grosses sommes, incroyables. 70 000 millions de dollars [Rires]. Non, 7 millions, un contrat à 7 millions.

Qu'est-ce que représente le catch pour toi ?
Ce que ça signifie pour moi ? De l'argent. Money money money. C'est tout. Tu penses que je veux réellement attraper des mecs à moitié à poil et me frotter contre eux ? Des catcheurs tout transpirants ? Faux. [Rires] Money, money, money.

Et le beef avec Kurt Angle, où ça en est ?
[Rires] Oh, c'est que du catch, tu connais. Il n'y a jamais vraiment de beef, c'est du spectacle pour divertir les gens. Tout est organisé en amont, c'est vraiment du business. C'est vrai que ça a été une transformation physique… Aujourd'hui je pense qu'il n'y a aucune excuse pour ne pas s'entretenir. Pas besoin d'avoir tout un équipement, tu peux te démerder à la maison. Je me maintiens en forme, quelques exercices avant chaque show, c'est basique. En tournée c'est parfois compliqué mais j'essaie de m'entraîner tous les jours. C'est comme ici, y'a toujours un con pour faire sa gym dans l'hôtel !

Quand tu as débarqué, beaucoup te trouvaient trop excentriques, mais plus on avance et plus on trouve de freaks dans le rap US. Tu en penses quoi ?
Hmm, je sais pas trop ce qui se passe en ce moment, je ne suis pas forcément au courant. Je me concentre sur moi-même. Après, c'est vrai que tu vois direct à quel point les gens aiment le côté fou, c'est aussi ce qui fait que le catch marche autant, d'ailleurs. Pour les autres rappeurs, je… Attends : ça va être publié en Français cette interview ? Ok. Disons que j'aime et je supporte tous les jeunes artistes, les nouveaux. L'important c'est la musique, rien d'autre. C'est vrai que ces temps-ci les jeunes artistes sont plus relax par rapport à leur image et tout ça, et c'est une bonne chose, de mon point de vue. C'est ta vie, faut faire ce que tu veux sans rien calculer de ce qui se passe autour.

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C'est comme ça que tu décrirais ta démarche ?
Je dirais que je suis… Insouciant. Oui. C'est exactement ça. Pour ma musique en elle-même, en un mot je dirais [Silence] C'est de la science-fiction. Je fais de la science-fiction, voilà [Sourire].

Tu dirais quoi à tes fans qui…
Je ne leur dirais rien, pour commencer. Je veux dire, j'aime m'adresser aux gens, leur dire des trucs, mais je n'aime pas engager une conversation avec des inconnus, c'est deux choses différentes, et c'est pas du tout mon truc. Je n'aime pas me dévoiler. C'est trop de boulot, si tu veux faire ça correctement ! Si on fait connaissance, qu'on apprend à se connaître, là c'est différent, mais sinon : que du spectacle, de la surface. Être au centre d'une discussion, répondre à plein de questions, je te jure, ce n'est pas pour moi. Si j'ai quelque chose à dire… Disons que j'aime parler aux gens mais je n'aime pas parler avec les gens.

Attends, tu es en train de me dire que Riff Raff est timide ?
Timide ? Oh non, je suis pas timide, c'est pas ça du tout. Ce que je veux dire c'est que si je devais dire ce que je pense et m'expliquer précisément avec tout le monde, faire gaffe aux commentaires et essayer d'y répondre, franchement je me retrouverais dans 50 bastons par jour ! [Rires] C'est mieux pour les gens qui n'ont pas spécialement à me connaître qu'on en reste là, point barre. J'ai toujours pensé comme ça. A l'école, c'était pareil, je parlais à personne, sauf mes meilleurs potes, et dans ce cas-là pas de souci, tu peux tout savoir de moi, mais si j'ai rien à dire, je me force pas. Je comprends que ça puisse surprendre les gens qui me connaissent en tant qu'artiste mais moi, je suis vraiment dans mon coin à la base. J'évolue avec ma petite bande, un cercle restreint. Et si quelqu'un d'autre veut me parler, je suis préparé, mais c'est du travail, parce que je dois offrir une certaine image. Du coup tant que ce n'est pas nécessaire, j'évite.

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Quels sont tes prochains projets ?
Sincèrement j'en sais rien ! Je ne suis même pas sûr de ce que je vais faire d'ici ces prochains jours, ces prochaines semaines… Tout ce que je peux dire c'est que mon prochain projet s'appellera Alcoholic Alligator mais je n'ai aucune idée de quand il sortira. Le titre fait référence à mon amour de l'alcool et des bijoux. Parce que c'est vrai dans les deux cas, j'aime ça [Il exhibe plusieurs bagues d'une taille non conventionnelle] et être bourré, je sais pas ce que t'en penses, mais c'est quand même génial, on s'ennuie jamais.

Tu marques un point.
Par contre, j'ai aussi prévu Balloween 2, qui devrait logiquement sortir pour le prochain Halloween, donc en octobre. Et j'ai aussi un show télé qui arrive, mais pour l'instant je ne peux pas trop en dire plus, malheureusement.

Dans la nouvelle génération, qui te parle le plus ?
Il y en a pas mal que j'apprécie. Déjà, je suis obligé de citer un producteur avec qui je bosse en ce moment sur des morceaux, parce qu'il est trop fort. C'est Ronny J. Je suis assez pote avec tout le monde. Ma façon de bosser c'est ça : avant de poser un morceau, on traîne ensemble, on prend du bon temps, et après seulement on bosse. Faut que ce soit cool, détendu.

C'est comme ça que tu as pu collaborer avec des gens comme Gucci Mane, Slim Thug, Paul Wall, etc ?
Franchement ouais, ça s'est toujours bien passé, et c'est vrai que pendant une période, je posais avec tous les mecs chauds du moment. C'était ma vision. Actuellement je suis un peu plus concentré sur moi-même, je veux faire mon propre truc, tu vois ? Il y aura sans doute moins de collabs et de featuring qu'à l'époque, mais si le courant passe, je n'ai pas de limite. En ce moment, concrètement je bosse beaucoup avec lui [Il montre un mec assis plus loin qui rigole de temps à autre en pianotant sur son smartphone], c'est DJ Afterthought, et il faut savoir qu'il fait des beats aussi. Du coup on taffe sur notre projet où il compose toutes les instrus et moi je pose dessus. C'est pour ça que je te dis que je suis un peu plus renfermé ces derniers temps. Des fois je ne le sens plus comme avant, je n'ai pas spécialement envie d'avoir des invités sur mes morceaux, alors que je pensais l'inverse il y a quelques années. Ca vient aussi du fait que j'ai l'impression d'avoir posé avec tous ceux qui m'intéressaient… Mais d'un autre côté, il y a tant de nouveaux artistes, que maintenant c'est un nouveau cycle, il y a de nouvelles combinaisons qui peuvent être cools. Et il faut savoir que j'enregistre beaucoup, j'ai une centaine de morceaux en stand-by où je suis solo, et une autre cinquantaine que je viens de faire, cette fois avec des featurings à chaque fois. Je veux juste balancer la sauce dès qu'elle est prête, tu vois ce que je veux dire ? Par exemple « Tip Toe 2 » avec Slim Jxmmi de Rae Sremmurd, est issu de la session de feats dont je te parle.

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Tu bosses comment en général ?
Ça dépend vraiment. C'est sporadique. C'est pour ça que j'ai un studio à la maison, parce que je ne sais jamais quand l'envie va me prendre de poser, pareil pour l'inspiration. Par contre il y a un truc que je ne fais pas, c'est « traîner » au studio. Au contraire, je rentre, je sors, faut être efficace, si j'y suis c'est pour travailler. Si je dois poser un morceau, je le fais. Mais je n'aime pas forcer le truc, ça reste de la musique, pour moi ça ne marche pas comme ça en tout cas. À chaque fois que je me suis forcé, j'ai fini par ne pas aimer le résultat.

Tu as un côté business man assumé, parfois super cynique, du coup comment tu vois la musique ? C'est un plaisir ou juste un job ?
Non ! C'est une combinaison des deux. Pour le coup ce n'est pas exactement comme le catch. Si je n'aimais pas la musique je ne serais pas capable d'en faire, ça m'emmerderait et j'arrêterais. Mais… Bah, ça représente aussi de l'argent, et c'est clair que j'aime autant l'argent que la musique. Donc, les deux.

C'est parce que l'interview n'est pas filmée que tu n'arbores pas tes grosses chaînes habituelles ?
Bizarrement, j'ai un peu perdu le goût de tout ça, je ne trimballe plus avec beaucoup de chaînes comme avant. Par contre j'en fais toujours la collection. Une très grande collection. Je préfère être relax, pouvoir bouger mes bras comme je veux, ne pas être encombré… Pour les grandes occasions, j'en porte, genre sur les tapis rouges, les photos, les clips, mais sinon, bof. Là en ce moment j'ai le « purple castle » au doigt, j'aime bien ce truc [ comme son nom l'indique, c'est un mini-château violet qui brille à son auriculaire].

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Tu as un peu débarqué de nulle part, ce n'était pas forcément évident à tes débuts, aujourd'hui tu es satisfait de ton parcours ?
En réalité, pour moi je ne considère pas que je sois arrivé à quoi que ce soit de définitif. Je veux dire, j'ai progressé rapidement, j'ai eu du succès, mais je ne suis pas encore tout là-haut… Par contre j'ai toujours été une star. J'ai toujours été célèbre [Sourire].

Tu n'as jamais douté ?
Hmmm… Quand je me sens d'humeur à enregistrer un son, je le fais, quand je le sens pas, je fais rien. Ca ne vaut pas le coup. Les doutes, ça arrive quand tu réfléchis trop et si tu réfléchis trop à un morceau, peut-être que tu ne devrais pas le faire du tout, parce que c'est pas naturel.

Tu as gardé des bonnes relations avec James Franco ? Ça peut servir.
Ouais, on se parle tout le temps. En fait on s'est super bien entendus et c'est ce qui a donné la vidéo « Only In America », où il a accepté de jouer mon rôle. La boucle était bouclée. Perso, j'ai plein de films qui arrivent, ouais. Personnellement, j'ai envie de faire plus de productions sur le grand et le petit écran, c'est ce qui m'intéresse à l'avenir.

Le prochain projet d'Harmony Korine, un film nommé Trap avec Gucci Mane au casting, tu…
Là par contre ça ne dépend pas de moi, je suis cool avec lui mais je n'ai pas de pouvoir de décision là-dessus, il faut leur demander.

Qu'est-ce qui t'inspire le plus ?
La mode et l'argent. Ce sont mes deux plus grosses influences. Sinon je matais juste MTV, VH1, des clips en boucle, tous les jours, et je me disais ok, ça c'est une belle vie. Je regardais aussi beaucoup les match de basket et de baseball, du coup j'hésitais entre jouer à la NBA, faire de la musique ou être dans une grosse équipe de baseball. Tu vois ce que je veux dire ? Je voulais surtout faire quelque chose de grand. Et je matais aussi la WWF [World Wrestling Federation, fédération de catch]. C'est tout ce que je voulais être. MTV et la WWF m'ont éduqué [Sourires]. Bo Jackson m'a élevé. Michael Jackson m'a élevé. Madonna m'a élevé. Yérim Sar est sur Twitter.