Publicité
Thomas Drake: La NSA s'intéresse avant tout au renseignement extérieur. L'organisme a été créé en 1952 sur décision unilatérale du président de l'époque, Harry Truman. On parle d'un mémorandum top secret, que le Congrès n'a jamais validé – ce que les gens ont oublié. À l'époque, la « Peur des rouges » était omniprésente.
Publicité
Que s'est-il passé après le 11-septembre ?Le problème réside dans l'obsession de la NSA pour les « données ». C'est comme une drogue, en fait. Plus vous en collectez, plus vous en voulez.
Avant cette date, il était impossible d'espionner un Américain sans disposer d'un mandat. J'ai été témoin d'un changement spectaculaire dans les jours qui ont suivi le 11-septembre. Le pouvoir de l'agence – celui d'espionner n'importe qui à l'étranger – est devenu total. On a autorisé ses employés à surveiller des gens sur le territoire national. Les raisons étaient toujours les mêmes : On ne sait pas d'où peut venir le danger. La fin justifie les moyens. On a besoin de savoir.Aujourd'hui, la NSA opère sans aucun contrôle sur l'ensemble du globe. C'est du jamais-vu dans l'histoire des États-Unis.Qu'en est-il de l'utilisation des « portes dérobées » – les backdoors – par la NSA ?
La NSA a mis en œuvre tout ce qu'il était possible de faire afin d'espionner les Américains. Elle s'est associée aux grandes entreprises du secteur technologique afin d'accéder à leurs logiciels et a contribué à l'affaiblissement de l'encodage des données. Selon moi, la NSA est coupable d'avoir fragilisé l'ensemble des infrastructures de notre société. Pensez-vous que cela ait eu une influence sur la lutte contre le terrorisme ?
En fait, je crois que la situation a empiré à cause de ces mesures. Ça fait partie du paradoxe entourant le « big data ». À première vue, on pourrait se dire que plus vous emmagasinez de bottes de foin, plus vous pouvez trouver d'aiguilles. Le problème, c'est qu'après avoir collecté toutes ces bottes de foin, il faut s'atteler à trouver les aiguilles. Et là, comment déterminer ce qui relève du foin et ce qui relève de l'aiguille ?Souvenez-vous que la NSA possédait suffisamment de données pour pouvoir prévenir le 11-septembre mais qu'elle n'a pas été en mesure de les traiter efficacement. Elle n'a pas fait appel aux personnes compétentes au bon moment. C'est pour cela que j'ai désiré prendre la parole.Cela en valait la peine, selon vous ?
Oui, car l'histoire était en jeu. J'ai fait le serment de défendre une idée. Vous pouvez donc imaginer ma réaction face à l'ouverture de cette boîte de Pandore après le 11-septembre. J'ai compris que je me devais de défendre la Constitution des États-Unis, que le gouvernement – pour lequel je bossais – ne respectait plus. Il s'agissait d'un véritable coup d'État à l'encontre de la Constitution.Un gouvernement qui n'espionnerait pas ses citoyens est-il une chimère ?
Je ne le crois pas. Je ne serais pas devant vous si c'était le cas. Il n'est pas encore trop tard. Comme je le dis toujours : après les ténèbres vient l'aurore.Cyberwarest une émission télé présentée par Ben Makuch sur le thème du hacking et des techniques de surveillance géopolitiques.