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Culture

La pourriture comme médium

Six artistes contemporains qui utilisent bactéries, micro-organismes et champignons dans leurs œuvres.
Image courtesy Klaus Pichler

C’était il y a quelques années, j’entrais innocemment dans le Palais de Tokyo quand tout de suite un réflexe vomitif me secouait à me donner la chair de poule. Tout le lieu — et il est grand — empestait à vous faire tourner de l’œil. Nez cagoulé et bien décidé, je parcourais malgré tout les pièces de l’exposition jusqu’au moment où je fis face à un monticule d’agrumes en décompositions. Des clémentines pourries par dizaines. Verdâtres et dégoulinantes. À l’époque, j’avais trouvé étonnant de prendre le risque de rebuter ses visiteurs avec une œuvre aussi nauséabonde, avec le temps j’ai découvert que la pourriture est un médium prisé par de nombreux artistes, et que toutes les moisissures ne puent pas, pire certaines sont tout fait sublimes.

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Lorsqu’on se sert de pourritures comme de peinture ou une sculpture, il faut tout d’abord prendre conscience du temps. Avec cet outil bactériologique, pas de coups de pinceau. On peut le guider, le contenir ou aider sa croissance mais pas de magie, il poussera à son rythme. Il existe presque autant de types de pourritures que de supports. Des centaines de textures et de couleurs qui demandent de connaître son affaire avant de pouvoir l’utiliser comme médium.

Certains y arrivent mieux que d’autres. Voici six artistes contemporains qui maîtrisent parfaitement la moisissure.

Klaus Pichler

I

mages publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Klaus Pichler transforme vos restes en œuvres d’art. Avec lui, les assiettes se remplissent de vie et de couleurs. On dirait des plats venus droit d’une grande table gastronomique. Un de ses plus grand projet s’appelle One Third et fait référence au fait qu’un tiers de toutes la nourriture produite sur Terre est gâchée. Pichler tente, pièce par pièce de nous rappeler que 925 millions de personnes dans le monde sont actuellement en situation de famine.

Antoine Bridier-Nahmias

Images publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste.

En changeant les niveaux d’oxygène, de lumière et les températures dans des espaces clos, Antoine Bridier-Nahmias fait croitre des micro-organismes assez superbes. Son projet se nomme Magical Contamination et archives des années de petites expérience en Petri. N’essayez pas dans votre cuisine.

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Johanna Mårtensson

Images publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Le monde tel qu’on le connait est périssable, pourrissable même. Johanna Mårtensson construit des villes en pain et les laisse crever sous la fange. Les tours de mies pliant sous le poids des moisissures. Le message est assez simple et pourtant bigrement impactant : le monde laissé aux humains court à sa perte. « C’est une sorte d’image de ce qui pourrait arriver lorsque le spectacle sera fini » explique Johanna qui n’est guère plus rassurante que ses œuvres.

Elin Thomas

Images publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Elin Thomas fait du crochet mais d’une manière qui rebuterait votre mamie. Dans ses compostions, elle ajoute et coud des taches de pourriture. Ses créations oscillent entre mignonneries délicates et dégoût viscéral.

Daniele Del Nero

Images publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Daniele Del Nero raconte des histoires avec du papier noir, de la farine et pas mal de choses en décomposition. Ses contes sont remplis de maisons hantées et de villes abandonnées. Pour de multiples raisons, ses créations vous donneront froid dans le dos.

Gemma Schiebe

Images publiées avec l’aimable autorisation de l’artiste.

En mélangeant toutes sortes de médiums, sucre, coton, laine, etc, Gemma Schiebe fait des sculptures protéiformes aux styles variés. Elle réalise aussi des vidéos et des photos documentant le processus de décomposition. « C’est une chose étrange que de voir quelque chose d’aussi parfait qu’un fruit mûr devenir quelque chose d’aussi chaotique lorsqu’il se met à pourrir de l’intérieur » explique-t-elle.