C’est à moi si j’ajoute une touche de jaune ?
Image de Une : Montage réalisé à partir des collages de B.D. Graft. Toutes les images sont publiées avec l'aimable autorisation de l'artiste

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Culture

C’est à moi si j’ajoute une touche de jaune ?

C’est la question que s’est posé l’artiste allemand B.D. Graft et à laquelle il tente de répondre avec le projet de collage Add Yellow.

Mes dernières expériences de collage remontent à mes cours d'art plastique au collège, il y a, genre, plus de dix ans. Je trouvais alors absolument original d'imprimer et découper des œuvres d'art qui me touchaient pour les assembler à mon goût dans un cahier A3. Ça, c'était avant de découvrir le mouvement Dada, Tom Wesselman, Richard Hamilton, John Stezaker, Yumiko Utsu ou Vik Muniz. Et, accessoirement, de tirer une croix définitive sur une carrière artistique très certainement vouée à l'échec.

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J'ai depuis un peu perdu goût au collage et ce n'est pas le regain de popularité que cette pratique artistique connaît sur Instagram qui m'a reconvertie. J'ai l'impression que c'est vu et revu le collage, des montages de catwalks aux découpages improbables de mes petits-cousins en passant par les expérimentations plus ou moins réussies d'artistes en herbe ou même établis, camouflées sous des théories artistiques fumeuses. Mais j'avoue avoir eu un petit faible pour le projet Add Yellow de Brian de Graft, alias B.D. Graft.

« Est-ce que c'est à moi si j'ajoute une touche de jaune ? » C'est ainsi que l'artiste allemand de 27 ans, basé à Amsterdam, résume la démarche de son travail, compilé, avec celui d'autres adeptes, sur le compte Instagram @addyellow. Contrairement à moi, le passe-temps de Graft est vite devenu une obsession, qu'il développe depuis ses études de cinéma et de littérature anglaise. Un moyen comme un autre de s'échapper du trop-plein numérique du monde contemporain. Graft détourne tout ce qui lui tombe sous la main, du moment que ça lui parle esthétiquement.

Quand The Creators Project lui a demandé comment est né ce projet, Graft a répondu tout simplement « par hasard ». « L'idée de la série Add Yellow m'est venue accidentellement une nuit alors que je feuilletais un livre botanique, essayant de trouver une bonne image à utiliser pour un collage. Ma chambre était remplie de morceaux de papier et quand je suis tombée sur une jolie photo de perroquet, j'ai instinctivement saisi un bout de papier jaune près de moi et je l'ai superposé au perroquet. L'évidente simplicité qui s'en dégageait a touché une corde sensible et une idée a germé : est-ce que je pourrais faire la même chose avec d'autres images ? »

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Si le choix de la couleur jaune, qui ressort d'autant mieux sur des photos noir et blanc, n'est pas vraiment délibéré — « c'est une couleur attrayante qui est moins chargée de sens que, disons, le rouge ou le noir » —, c'est effectivement cette fausse simplicité qui rend les collages de Graft réussis. Il interroge, sans faire mine d'y toucher, notre culture visuelle, les codes de propriété artistique et intellectuelle, la pratique et l'instinct de l'artiste. Il pousse le vice jusqu'à inviter d'autres artistes à lui envoyer leurs collages reprenant le thème qu'il s'est fixé, qu'il publie sur son compte collaboratif. « Partager c'est tenir à cœur », dit-il à ce propos.

Lorsqu'on dit à Graft que son travail nous fait penser à l'artiste conceptuel américain John Baldessari, dont on chérit également les collages où des ronds colorés recouvrent le visage de personnes photographiées, il nous répond de manière tout aussi pragmatique : « Je vais peut-être passer pour un loser mais j'ai découvert John Baldessari il y a seulement deux ans, alors que je pratiquais le collage depuis déjà longtemps. On m'a dit plusieurs fois que le projet Add yellow est très proche de ce que pourrait faire Baldessari, et je suis d'accord. »

Ladies and gentlemen, may I present to you: the biggest "Add Yellow" collage ever