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Culture

La machine à remonter le temps de la restauration architecturale

La restauration d’un bâtiment n’est pas qu’une question d’apparence — il s’agit de ranimer des passions révolues.
Image de Une : Dôme du Wilshire Boulevard Temple, restauré après plusieurs dégâts des eaux. Photo : Tom Bonner. Toutes les images sont publiées avec l'aimable autorisation d'EverGreene Architectural Arts.

Derrières les portes closes d'institutions d'art des quatre coins de la planète, se cachent des machines à remonter le temps et autres chambres d'investigation. On y voit ressortir de ternes chefs-d'œuvre aussi éclatants qu'à leurs premiers jours ; on y perce des secrets de maîtres ; on y met à jour des compositions secrètes planquées dans de célèbres toiles. The Creators Project vous fait entrer dans ces laboratoires de restauration.

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La restauration d'un bâtiment n'est pas qu'une question d'apparence — il s'agit de ranimer des passions révolues. « Même si je suis un dur, et que je m'occupe de l'aspect physique d'un lieu, c'est la façon dont l'art et l'architecture imprègne la communauté qui lui donne vraiment de la valeur », commente Jeff Greene, président et fondateur d'EverGreene, un studio de design basé à New York, spécialisé dans la restauration d'intérieur. Depuis 1978, l'entreprise a réalisé un bon paquet de projets, ressuscitant des salles de théâtre, des lieux de culte, des bâtiments administratifs et autres.

En cas de détérioration extrême, comme c'est le cas au Kings Theatre de Brooklyn, la transformation est quasi une performance à part entière. Cette salle de 3200 places, construite en 1829 dans le quartier de Flatbush, a fermé en 1977 et a été depuis laissée à l'abandon. En 2015, après une restauration de deux ans, elle est revenue à la vie, accueillant des spectacles de Diana Ross ou Björk, et reprenant sa place de plus belle salle de concert du coin. Les plâtres largement décorés de l'auditorium ont été restaurés, les statues réparées, les plafonds redorés et vernis. Pièce par pièce, les intérieurs ont retrouvé leur splendeur passée, réduisant ces années d'abandon à un simple mauvais rêve.

Kings Theatre, à Brooklyn, avant et après restauration.

« On fait appel à nous souvent au début du projet pour faire les premières analyses, pour rechercher à quoi ça ressemblait. C'est principalement une analyse matérielle : observer des morceaux de peinture au microscope, et tâcher de deviner de quoi était fait le bâtiment », explique Greene. Dans le cas du Ohio Theatre à Cleveland, des photos d'archives ont donné des pistes sur le style Renaissance italienne du début des années 20 de l'édifice. Suite à un feu dans les années 60 et une rénovation malheureuse, ces photos furent le seul guide de la restauration, jusqu'à ce que des fouilles sur place mettent à jour des fragments de décor. Cette trouvaille inespérée a permis à EverGreene de réaliser des moulages, trouver les couleurs employées et reproduire le style original. « Nous avons complètement recréé cet univers », conclut Greene.

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De gauche à droite : un ornement historique mis à jour à l'Ohio Theatre et les moulages récents.

À gauche, restauration en cours à l'Ohio Theatre ; à droite, une fois la restauration achevée.

Souvent, les clients ont à choisir entre différentes options, selon l'univers qu'ils veulent reproduire. « Des fois, il y a plusieurs motifs », explique Greene. « Nous créons des ouvertures, épluchant les couches de peinture une à une. La poussière entre chaque couche de peinture donne une idée du temps auquel elle a été exposée. Il a pu y avoir quatre ou cinq décorations successives — on doit donc décider à laquelle revenir. »

Restauration en cours à l'hôtel The Sherry-Netherland à New York.

Pour quelqu'un comme Greene, qui est persuadé que des bâtiments peuvent émouvoir des gens, ces décisions ne doivent pas être prises à la légère. « Tout dépend de la façon dont l'espace est interprété — comment le lieu va être lu et être utilisé. Une fois que c'est fait, l'histoire et la trame de ce qui était là reviennent. »

Combler les trous : restauration en cours des fresques du Works Progress Administration créées en 1936 à l'hôpital d'Harlem.

Restauration en cours des fresques du plafond de l'Empire State Building.

Le hall du l'Empire State Building après restauration.

Pour en savoir plus sur le travail d'EverGreene, allez faire un tour sur leur site.

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