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Comment investir dans l’Art contemporain ?

Chez qui s'informer ? Comment évolue une côte ? Peut on collectionner en ligne ? Quelques règles de base pour débuter et survivre au Artgame Contemporain.
Kipper and the Corpse, 2015, par Stuart Wipps. Image via

Une œuvre d'art n'a pas de valeur intrinsèque. Mais une oeuvre a une côte. La côte d’une oeuvre désigne un montant, stabilisé selon un cours, résultant d’un algorithme qui vient chaîner, à ce jour encore : le bon état général du support, sa renommée institutionnelle, créative ou culturelle, la place de son auteur dans l'histoire de l'art, sa rareté… Deux choses à savoir : l’explosion d’une clientèle suiviste, parfois putassière et souvent décérébrée vient parasiter ce fragile calcul. Si tous veulent la même chose, alors son prix s’envolera. Parfois même jusqu’à l’implosion. D’autant que les leviers de jeu pour modifier une côte sont désormais de plus en plus nombreux : édition de monographies à compte d’auteur, rachat d’oeuvres au prix fort dans les ventes au enchères, dopage de l’emballement médiatique. Aussi : tenez-vous le plus loin possible des artistes au coeur de bulles spéculatives. Elles ne durent pas.

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Par ailleurs, les notions de maîtrise d’ouvrage, de noblesse des matériaux ou de savoir-faire ont quasi-disparus du discours des opérateurs du marché de l’art contemporain. Art contemporain qu’on adore contempler comme le dernier meurtrier de la valeur travail. Ou du beau geste. Pourtant, les techniques qui continuent de truster les ventes restent les grands formats peints. À l'acrylique au minimum. Et croyez-moi, les travaux à l’huile restent étrangement de très bonnes valeurs refuges. À raison en fait : un bronze bravera toujours les outrages du temps et des modes. Le plexiglas, beaucoup moins. Voici quelques règles de base pour débuter et survivre au Artgame Contemporain. Arrêtez de gratter des signatures

Ce genre de relique sera du meilleur effet sur votre table de chevet, mais n'a strictement aucune valeur. 

Un artiste signe son livre au vernissage ce soir ? Vous pensez pouvoir y gratter une dédicace sur un catalogue d’exposition ? Pensez à votre petit cousin plus qu’à E-bay : même rehaussées et encadrées sous verre, ce genre de résidu papier ne vaut rien. RIEN.

Multipliez les sources documentaires

La banque de données en ligne Artprice, bien qu’autoproclamée “leader mondial de l'information sur le marché de l'Art” ne peut pas être votre seul baromètre. Au même titre d’ailleurs que ses sous-avatars Artspace, Galerie-com, Deviantart, Guidarts, Kazoart Lac Paris, Artistics et autre Galerie-creation, tous à éviter. Pour naviguer de façon complète, multipliez vos sources d’informations. Sur ABC par exemple, sémillante plate-forme des galeries berlinoises, chez Mousse Magazine avec de beaux highlights sur les scènes artistiques californienne ou milanaise, avec Hyperallergic, la très riche newsletter de Brooklyn ou grâce aux éditions digitales de Tar ou #AI Magazine. Côté presse papier, ArtReviewAsia, Cura., Sleek, Elephant ou Hey! pour la scène LowBrowArt restent des maisons éditoriales très bien tenues. Vous débutez ? Un onglet toujours ouvert sur lejournaldesarts.fr ne sera pas de trop.

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Oubliez le business en ligne

Acquérir une oeuvre en quelques clics comporte des risques : endettement, dépendance, isolement, éloignement des bonnes expos et des musées.

Sortez de chez vous

Les galeries marchandes — parisiennes notamment —, ne se contentent plus que de confirmer les valeurs sûres du marché. Il en va d’ailleurs de même pour les grandes foires et salons, Fiac en tête. En fait, le marché parisien ne représente plus que 2 à 3 % du marché mondial (loin derrière les États-Unis ou la Chine). Oubliez donc les vernissages du jeudi soir à Saint-Germain-des-Prés : vous n’y découvrirez personne. Préférez les excellentes programmations de la Halle Saint-Pierre, de la Ménagerie de Verre dans le 11ème, du BAL pour la photographie contemporaine ou du M.A.C Val.

En fait, l’Art Contemporain, c’est comme le Rap français : la relève vient principalement de la province. Aussi, vous apprendrez beaucoup grâce au expositions du Musée d'Art Contemporain de Lyon, en vous baladant également au Grand Café, Centre d'Art Contemporain de Saint-Nazaire, aux grandes retrospectives de l'Espace de l'Art Concret à Mouans-Sartoux, côté Riviera ou à l’imminente Fondation LUMA à Arles. Penchez-vous aussi sur le réseau des Frac, certains continuent, malgré les coupes budgétaires, de faire le boulot : celui de Bretagne par exemple, pas celui de PACA. Préférez les vivants

Anticorps, par Antoine d'Agata. Un des plus puissant de toute la photographie contemporaine. Ici avec un tirage de tête, rélié, toilé, accompagné d'un tirage numéroté et signé. Il ne reste que quelques exemplaires de ce coffret, disponible pour moins de 500 euros. Bon plan.

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Au pied de Montmartre, la Galerie W déroule un fil rouge radical : n’exposer que des peintres et artistes vivants — à l'exception de Raymond Hains, allez savoir pourquoi. L’idée est bonne : un jeune talent a toute la vie pour multiplier les expériences créatives, intégrer de nouvelles techniques, multiplier les rencontres et donc possiblement les collabs fructueuses et ainsi transcender son geste. Également, vous m’avez suivi, de voir sa côte augmenter. Un artiste vivant est un artiste debout : sa loyauté à un petit pool de galeries sérieuses, géographiquement les plus éloignées possible, son engagement régulier dans des résidences et des expériences purement créatives et désintéressées, un ateliers aux portes fermées à tout types de marchands et autres crevards du artgame sont des traits de caractère essentiels.

Mettez-vous à l’arabe

Dormiente, 2008, Mona Hatoum

Mais aussi au turc ou au Farsi. Depuis les Printemps arabe jusqu’à l’ouverture — ok relative — de l’Iran, les jeunesses du Maghreb, du Machrek et de certains pays du Moyen-Orient malaxent une nouvelle matière : la politique. Du coup, la jeune élite créative locale imagine à nouveau. Elle questionne le droit de circulation, la place du sacré, des forces répressives ou des états d’urgences. Les plasticiens tunisiens voyagent autour de la méditerranée, les digital artists libanais explosent, la danse contemporaine syrienne continue de vibrer, et une galerie indépendante vient même d’ouvrir à Ispahan. Découvrir et soutenir cette scène artistique en lutte, c’est beaucoup plus “qu’investir sur un marché attractif”, comme on dit chez Artprice. Streetart n’est pas Art

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Jean-Michel, par Jéf Aérosol. Estimation 6 000 - 8 000 €. 

Du moins pas encore. Alors méfiez-vous de tous ces petits formats, lithographies, signatures et autres sérigraphies réhaussées de “Streetartists” en vue qui traînent sur le web entre 500 et 2000 euros. Un JonOne qui bravera le temps, c’est minimum une acrylique en 100 x 100 cm. Idem pour Futura, Crash ou Cope2. Et c’est bien plus que 2000 euros. C’est mecs-là existaient en tant que Kings sur les murs de leur ville il y a plus de trois décennies. Mais désormais c’est sur de la toile synthétique grand format, certainement pas sur de petits dessins au feutre noir.

De toute façon, l’histoire de l’Art ne semble pas du tout prête à adouber le Streetart comme le petit nouveau désiré. Les galeries spécialisées ? En 2016, elles battront (presque) toutes de l’aile. Les artistes ? Une poignée seulement vit décemment. Les collabs, le branding, la presse et l’édition ? Ces secteurs sont effectivement propices au genre, mais de façon ponctuelle et uniquement pour quelques élus : Os Gemeos, Kaws, Shepard Fairey, Invader, L’Atlas, Rero ou le bienfaiteur JR. Designer le packaging de la nouvelle bouteille Perrier vous rend certes visible, mais le geste vous éloignera mécaniquement de tous espace muséal. En fait, en dehors de “T.A.G. au Grand Palais” et de l’exposition “Né dans la rue - Graffiti” à la Fondation Cartier pour l’art contemporain — Toutes deux portées aux murs grâce au caprices d’Alain-Dominique Gallizia, architecte de métier, auto-proclamé “expert en graffiti sur toile — il y a 6 ans, les cultures urbaines, street et même vandales n’ont jamais été invitées en France à passer la porte d’institutions reconnues. Demandez-vous pourquoi.

Théophile sur Twitter