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Culture

Des jeunes artistes français revisitent les collections du Musée d’Orsay

Pour “Curieuse nocturne” le 22 septembre, des jeunes diplômés et étudiants en art ont repris à leur compte des œuvres du musée parisien. Introduction à cinq d'entre eux.
À gauche : Les Oréades de William Bouguereau (1902) © Musée d'Orsay / RMN ; à droite : Odasleeers de Louise de Montalembert (2016) © Early Work.

Pour la première fois, le Musée d’Orsay invite la jeune création entre ses murs. C’est Early Work, première plateforme de vente en ligne d’oeuvres de jeunes diplômés et d’étudiants en écoles d’art qui en assure le commissariat. Le thème ? Hommage ou pastiche d’une œuvre présente dans les collections d’Orsay. Cinq de leurs artistes nous parlent en avant première de ce qu’ils y présenteront le 22 septembre prochain pour une « Curieuse nocturne ».

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Fleury Fontaine

Gérôme en citron, 2016, impression numérique, 60 x 40 cm © Fleury Fontaine / Early Work

Hommage ou pastiche ?
Pastiche et même plutôt travestissement.

L’œuvre d’Orsay revisitée ?
Jeunes Grecs faisant battre des coqs de Jean-Léon Gérôme (1846).

Le mot de l’artiste :
Pour cet événement nous avons transformé Jeunes grecs faisant battre des coqs, tableau emblématique de Jean-Léon Gérôme, en lui appliquant via un algorithme de deep learning le style d'une nature morte de Manet représentant un citron. C'est une œuvre créée pour l'occasion, comme un exercice de style, qui part surtout d'une envie d’expérimenter un algorithme de deep learning avec humour…

Louise de Montalembert

Odasleeers, 2016, impressions numériques, 265 x 145 cm (triptyque) © Louise de Montalembert / Early Work

Hommage ou pastiche ?
Je choisirais plutôt le terme pastiche.

L’œuvre d’Orsay revisitée ?
Les Oréades de William Bouguereau (1902).

Le mot de l’artiste :
Odasleeers est un projet que j’ai créé spécialement pour l’occasion. C’est un projet numérique qui met en avant la notion de composition. À partir d’un format et de formes, il calcule toutes les possibilités de composition. Il y a des milliers de manière de construire une oeuvre et Odasleeers le met en avant. Le pendant imprimé est un triptyque reprenant deux versions générées par le logiciel et une version reprenant la composition originale réinterprétée. Il y a également 5 tomes reprenant les 2000 premiers résultats obtenus avec Odasleeers.

Florent Groc

J'ai failli perdre mon sang-froid, 2016, gouache sur toile, 100 x 81 cm © Florent Groc / Early Work

Hommage ou pastiche ?
Pastiche !

L’œuvre d’Orsay revisitée ?
Les Romains de la décadence de Thomas Couture (1847 ).

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Le mot de l’artiste :
C’est une œuvre qui s’éloigne un peu de ma pratique, dans la mesure ou je m’intéresse d’ordinaire aux paysages. J’ai souhaité cette fois-ci me référer à l’esthétique de la télévision, et plus particulièrement à l’imagerie grossière de la télé-réalité. L’œuvre originale pointe du doigt la décadence de la Monarchie de juillet mais en représentant le déclin de l’Empire Romain ayant lieu quelques siècles plus tôt ; ici j’ai voulu parler de notre époque, j’ai souhaité montrer une décadence qui nous est propre : la disparition de l’intimité. Il y a quelque chose de volontairement vulgaire dans mon pastiche : des couleurs criardes, une composition maladroite, une texture brillante et scintillante, le format en lui même qui n’est pas sans rappeler celui d’une télé, et puis évidemment les personnages aux centre de l’œuvre qui sont un clin d’œil à Loana et Jean-Édouard.

Thomas Péan

Hommage ou pastiche ?
Sur le choix des mots : dans mon cas, je préfère le terme de pastiche ! Ce qui est intéressant dans le pastiche, c’est son caractère ambivalent, entre copie servile et réinvention, hommage et humour. Loin d’être une simple réplique, il correspond d’avantage à un effet de déplacement autour d’une production déjà existante. Avec le pastiche, l’acte de se réapproprier une oeuvre devient le sujet même de l’oeuvre. C’est à mon sens ce qui distingue le pastiche de la simple reproduction. Il permet de donner à l’oeuvre de référence, une nouvelle chance d’être regardée tout en exprimant de nouvelles idées.

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L’œuvre d’Orsay revisitée ?
La naissance de Vénus d'Alexandre Cabanel (1863).

Le mot de l’artiste :
Pour la « Curieuse nocturne »d’Orsay, je propose une peinture hyperréaliste qui prend comme point de départ une image trouvée sur un site de vente en ligne où figure un modèle portant un t-shirt avec la reproduction d’un tableau de Cabanel (La naissance de Vénus). Chaque détail a été l’objet d’une attention minutieuse, jusque dans la déformation du tableau dans les plis du vêtement. L’idée était donc de produire une nouvelle dérive dans la reproduction du tableau de Cabanel tout en ramenant dans le champ de la peinture figurative, une image (le modèle portant le t-shirt) qui ne lui appartient pas. Comment l’art est recyclé par l’industrie touristique, comment la contrefaçon, synonyme bien souvent de médiocrité ou de malfaçon, constitue malgré tout la matérialisation du souvenir d’une œuvre, ce sont des questions que je pose ici. La confrontation d’une peinture comme La Naissance de Vénus par Cabanel face à sa reproduction et son réemploi dans la sphère mercantile du « souvenir » ouvre des questions qui me semble intéressantes sur le processus de vulgarisation d’une oeuvre et la façon dont l’art s’échappe parfois du musée sous la forme d’une copie.

Cyril Debon

Pochette surprise (Nathaniel), 2016, huile sur toile, la pochette contient une dizaine d’oeuvres originales dont deux huiles sur papier, des dessins d’observation réalisés au Musée d’Orsay, ainsi que d’autres œuvres de jeunes artistes (performance vidéo stockée sur clé USB, poèmes, dessins, impressions numériques de peinture réalisée sur iPad, etc.), 90 x 53 x 24 cm © Cyril Debon / Early Work

Hommage ou pastiche ?
Face aux objets du monde, mon émotion est souvent partagée entre l’attendrissement et la moquerie. Je choisirais donc le terme hommiche.

L’œuvre d’Orsay revisitée ?
Portrait de la baronne Nathaniel de Rothschild de Jean-Léon Gérôme (1866).

Le mot de l’artiste :
La peinture, souvent considérée comme une fenêtre ouverte sur le monde, perd, avec ma série des pochettes surprises, sa fonction contemplative, et acquiert une physiqualité propre aux objets courants. Elle devient support et contenant. L’attention du spectateur est suspendue et ne peut se fixer uniquement sur l’image peinte sur l’emballage, résidu d’une recherche empirique. Le reste, ce qu’elle renferme, appartient à la contingence, au hasard du jeu et du désir. C’est aussi un prétexte que je me donne pour pouvoir peindre à peu près ce que je veux sans me soucier de l’importance du sujet étant donné qu’il n’est pas voué à être l’élément central de la pochette surprise.

Pour en savoir plus sur la « Curieuse nocturne » du 22 septembre au Musée d'Orsay, cliquez ici. Rendez-vous la semaine prochaine pour notre débrief sur l'événement.