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Music

Des punchlines salaces sur de délicates culottes en soie

Zoe Buckman brode des paroles de rap sur de la lingerie pour dénoncer le sexisme du milieu hip-hop.
All images courtesy Bethanie Brady Artist Management / (C) Billy Farrell / BFA.com

Une installation de lingerie vintage, brodée avec des paroles de rappeurs célèbres, s’en prend à la position de subordination des femmes dans la culture hip-hop. Avec ingéniosité, l’exposition de l’artiste Zoe Buckman, « Every Curve », juxtapose l’attitude souvent machiste envers les femmes avec des vêtements à la féminité affirmée, donnant des objets volontairement provocants.

Dans la salle principale du Papillion de Los Angeles, une douce lumière filtre et étale des éclats chatoyants sur des sous-vêtements. Dans cette installation immersive, culottes en soie, soutiens-gorge coniques, corsets, porte-jarretelles et un tas d’autres pièces délicates sont suspendues au plafond, complétées plus loin par des bas fins enfilés sur des jambes de mannequin disséminées dans l’espace. Buckman épluche les fripes, eBay, Etsy, pour dénicher sa lingerie, choisissant précisément des pièces du début du XXe siècle aux années 60 — pour illustrer l’évolution du corps féminin à travers les décennies.

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Buckman, née dans l’est de Londres, investit le terrain féministe et les questions sur la femme à travers la photographie, la sculpture, la broderie et les installations. « Every Curve » est sa seconde exposition personnelle, et sa première fois au Papillion. Dans sa première expo, en 2015, « Present Life », Buckman présentait son propre placenta, explorant les thèmes de la mortalité, de la beauté et de la construction de la féminité.

« Les vêtements avaient leur propre vie avant que je les travaille et, en brodant les paroles sur eux, je dessine également une histoire de l’expression féminine et féministe », raconte Buckman à The Creators Project. Ce projet de trois ans a également une portée personnelle, explique Buckman : « Je suis quelqu’un d’incroyablement nostalgique, cette mode ou cette expression est donc aussi un clin d’œil à la personne que j’étais dans les années 90 et le début des années 2000. Le fait est que je portais des culottes vintage par-dessus mes jeans et je cousais sur mes trousses à l’école. »

Who's the man ? Broderie sur lingerie vintage © Zoe Buckman.

Pendant les années 90, les années de formation de l’artiste ont été bercées par Biggie Small et Tupac, bien avant que ses opinions sur les propos sexistes ne se manifestent. Finalement, c’est la maternité qui a été un déclencheur. Plutôt que de fredonner des berceuses classiques à sa fille, Buckman s’est surprise à réciter des vers de Ready to Die, l’album de 1994 de Biggie. Buckman raconte encore : « Quand vous roucoulez à l’oreille de votre bébé des paroles comme “Bitches I like them brainless, guns I like them stainless steel”, c’est difficile de ne pas y voir un problème et j’ai voulu utiliser mon art pour explorer ce dialogue. »

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Les allusions ouvertement sexuelles dans le hip-hop ne sont pas non plus en reste dans « Every Curve ». La phrase de The What de Biggie – « Welcome to my center, honeys feel it deep in their placenta » – est reproduite sur une culotte brodée à la main. Une relation poétiquement conflictuelle naît de ce mélange de sous-vêtements  et de mots crus. Le texte est adouci par les délicates broderies, comme si les mots semblaient moins durs lorsqu’ils sont apposés sur de jolies matières. Ces contradictions dressent un parallèle aussi avec la musique, comme Tupac, qui glorifie aussi bien l’adultère et la luxure dans I Get Around qu’il manifeste son soutien aux difficultés des femmes noires dans Keep Ya Head Up. Buckman excelle à amener ces deux concepts tout en invitant simultanément le visiteur à chercher des réponses plus profondes.

L’exposition montre encore l’intérêt renouvelé de Buckman pour la ceinture de chasteté. Des sculptures de néons en forme de ceinture de chasteté sont accrochées, un symbole longtemps associé aux souffrances des femmes. Selon Buckman, « elles pendent du plafond par de fins fils et ont presque l’air de mobiles pour bébés. Elles ont même quelque chose de charmant à première vue et j’aime ce jeu entre ce que nous trouvons séduisant et ce qui nous paraît problématique. »

« Every Curve » est à voir au Pavillion, à Los Angeles, jusqu’au 30 avril 2016. Zoe Buckman participe aussi à une exposition collective, « March Madness », au Fort Gansevoort, à New York, jusqu’au 1er mai.