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Design

Hand Coded se cache derrière toutes vos installations préférées

On a parlé avec Cyril Laurier et Maya Benainous de bidouillage, de recherche, Ledotron, de Romain Tardy et de tous leurs projets lumineux.

Cet article vous est présenté par THE ABSOLUT COMPANY CREATION

Maya Benainous et OX, dans l'atelier de Romain Tardy. Toutes les images sont publiées avec l'aimable autorisation de Hand Coded.

Il y a quelques semaines on dévoilait notre vidéo The Process : Le mapping post-internet de Romain Tardy. Un long entretien avec l’artiste qui, en suivant la construction de son dernier projet — Je rate mon cerveau pré-internet —, revenait sur sa pratique, du VJing au mapping en s’appuyant sur pas mal de ses projets passés : OX, Future Ruins, Défilé. C’est en parlant de tout cela qu’on s’est aperçu que derrière ces créations et cet artiste se trouvait le plus souvent une bande de petites mains, parmi lesquelles Maya Benainous et Cyril Laurier de Hand Coded. Comme on est curieux, on s’est un peu intéressé à qui ils étaient et à ce qu’ils faisaient et on a découvert qu’ils étaient derrière la partie technique d’un nombre incroyable de projet dont on vous a parlé sur The Creators Project : les folles performances interactives de AdrienM/ClaireB, ils sont là, le Kinematope de Pablo Valbuena, pareil. On s’est même rendu compte que nos collègues de Motherboard les avaient contactés pour répondre à la question : Pourquoi on écoute de la musique ?

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Du coup, on s’est senti un peu cons de jamais avoir fait le lien entre toutes ces créations lumineuses et Hand Coded. En guise de session de rattrapage, on leur a posé plein de questions :

The Creators Project : Salut, c’est quoi Hand Coded ?
Maya : Hand Coded est né avec l’ambition de travailler sur des projets artistiques et innovants. On aime explorer de nouvelles idées dans la création technologique pour l’art. Avec un pied dans chacun des deux mondes, on aime jouer avec cette frontière. C’est une façon d’allier nos passions. On vient de deux univers à la fois proches et différents, mais on est tous les deux ingénieurs en informatique venant d’une famille d'artistes. Cyril a fait une thèse en informatique musicale et je suis ingénieure en art et technologie ; avant, je dirigeais un studio d’animation 3D.

Notre motivation, c'est le challenge perpétuel et la satisfaction du résultat. Une œuvre, une installation, un mapping, c'est d'abord quelque chose qui parle aux gens et procure des émotions. Chaque projet sur lequel on travaille arrive avec des demandes et des idées qui nous obligent à réfléchir, trouver de nouvelles solutions et nous poussent à innover. Dans un projet comme OX, on a eu la chance aussi de travailler avec des personnes qui nous ont fait confiance et qui nous ont soutenus pour mener à bien nos recherches.

Cyril : Nous sommes des ingénieurs créateurs. Des artisans de la technologie. On fait le pont entre l'artiste et les aspects techniques non conventionnels de l'œuvre. Plus un projet est ambitieux, plus il va nous intéresser. On aime créer de nouvelles idées, tester de nouvelles technologies, connecter des choses ensemble pour la première fois. La technologie est un outil qui peut aider à créer de l’émotion et une expérience mais il est important de ne jamais perdre le sens initial de l’oeuvre.

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Romain Tardy, OX, 2015

Comment ça se passe quand vous bossez ?
On essaie de mettre l’artiste au centre de notre travail. Notre objectif est de trouver les meilleurs compromis techniques au service d’une création. On développe des outils customisés pour aider à la création en amont et faciliter l’installation sur place. Maya fait le lien avec la démarche de l’artiste, son concept, son message, et étudie comment créer des animations, de l’interactivité, peaufiner les algorithmes de l’animation, du mouvement, des effets, des transitions et de la conduite. Cela passe souvent par la création ou l’adaptation d’un logiciel dédié. Moi, de mon côté, je tente des choses, je cherche, je fouille et teste des façons de résoudre les problèmes matériels, électroniques, logiciels, et autres. C’est aussi moi qui m’occupe de tout ce qui est musique, son et parfois intelligence artificielle.

Notre intervention sur un projet peut commencer soit à la conception, soit en tant que consultant technique ou bien plus simplement pour du développement pur. Au niveau technique, le défi est d'arriver sur les lieux de l’événement avec une anticipation maximale. Tous les doutes sont résolus en amont sous forme de tests et prototypes pour avoir un minimum de surprise. Le temps sur place étant souvent réduit. Il faut pouvoir concentrer les dernières lignes droites sur la création et les dernières corrections esthétiques.

Au niveau artistique, on doit développer en premier les outils de création, pour pouvoir tester virtuellement le rendu. On étudie l’architecture du logiciel, comment le rendre flexible et éventuellement réutilisable sur d’autres projets. Souvent on est les premiers, ou presque les premiers, à se pencher sur certains de ces sujets — il est parfois difficile de trouver des réponses facilement. Parfois, on doit même faire construire nos propres circuits électroniques, comme sur OX. Car rien n’existe encore sur le marché. Ça nous oblige à étudier tout un tas de sujets différents sans vraiment savoir où on allait. On adore cette partie, c’est comme si on était des enquêteurs. Après toutes ces étapes, on définit des priorités, et on avance chacun de notre côté. Jusqu’à la fin du projet où l’on connecte toutes les parties. Les jours sur le terrain, quand tout fonctionne enfin, sont toujours très excitants. On aime travailler avec Romain Tardy, car il nous fait confiance et nous laisse carte blanche sur les choix techniques en validant seulement ce qui touche au résultat. Cela nous permet de nous surpasser.

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Comment l’avez-vous rencontré ?
On s'est rencontré en résidence sur le projet Bionic Orchestra du beatboxer Ezra avec qui on collaborait depuis longtemps. On a beaucoup parlé de l'approche artistique, de la relation entre l'art et la technologie. Quelques mois plus tard, il nous contactait pour le projet gigantesque de MGNTRN au Mexique. Il nous a fait confiance sur toute la partie technique (pourtant complexe), et l’expérience nous a amenés à contrôler du matériel pro (barco mistrips, dmx wireless), mais aussi à construire un petit robot à base d’Arduino et de servo moteurs pour contrôler les milliers de LEDs d’une grande roue de 80 mètres. Ce fut notre premier projet artistique d'envergure et la naissance officielle de Hand Coded.

Romain Tardy, MGNTRN, 2014

Quelle est la différence entre ces projets pour d’autres artistes et vos recherches personnelles ?
Nos projets personnels nourrissent notre travail et vice et versa. On teste de nouveaux outils, on essaye de suivre et d'expérimenter avec les dernières innovations techniques pour anticiper de futurs projets. La recherche scientifique est aussi source d'inspiration, on suit les dernières nouveautés, notamment en intelligence artificielle. D'un autre côté, le monde des makers nous influence beaucoup, c'est un milieu extrêmement actif et créatif. Cela permet de tester de nouvelles choses et souvent même d'intégrer certains outils dans notre travail. On cumule petit à petit un savoir au niveau humain, scénographique, interaction homme/machine, et du précieux code qui nous sert d’un projet à l’autre.

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Comment évolue votre pratique avec les années, les innovations et l'expérience ?
Avec l’expérience, on arrive de mieux en mieux à anticiper les choses. La plupart du temps, on maîtrise toute la chaîne technique mais gérer les contraintes de production fait aussi partie de notre travail. On apprend aussi à être pédagogues dans le cas de nouvelles collaborations ou de technologies méconnues. On s’est spécialisés dans le contrôle de LEDs, jusqu’à développer un logiciel dédié, fait avec et pour les artistes : Ledotron. On nous contacte pour cela, mais un des défis est aussi de s’en démarquer et de continuer d’innover. On cherche à se développer dans d’autres domaines comme l’architecture ou la création de costumes.

Le logiciel Ledotron

Est-ce que l'outil numérique n'est pas forcément limité ?
C’est tout à fait le contraire et c'est justement pour cela que l’on travaille dans le milieu artistique. L’approche artistique nous permet de détourner des outils pour leur donner une nouvelle fonction. Par exemple : l'intelligence artificielle, couramment utilisée pour la reconnaissance vocale, faciale ou la prédiction de comportement. Dans l'installation OX, on l’utilise pour analyser en temps réel la musique du DJ. On est ainsi capable de suivre la musique, ses séquences, sa progression, les effets de surprises, l'humeur et de traduire le tout dans un langage visuel. L'IRCAM, avec qui on a collaboré sur d'autres projets, est aussi dans cette démarche. Mais c'est la première fois que ces techniques sont poussées à ce point, liées à du contenu visuel et pour le grand public. Et quand on a besoin de flexibilité, on peut faire notre propre logiciel

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Quels sont vos projets actuellement ?
Une version interactive d'OX qui sera a la Gaîté Lyrique. Une installation circulaire de LEDs et sons immersifs avec Pablo Valbuena. On attend la confirmation également de plusieurs projets pour la rentrée. On donnera une conférence au festival FIMG à Gérone et on profite de l’été pour tester de nouvelles techniques et développer de nouveaux outils autour de la danse et du spectacle vivant.

Pablo Valbuena, Kinematope, 2014

Et ceux à venir ?
En ce moment, on entame une résidence artistique pour une co-création avec une compagnie de danse et des designers de costumes. Une création qui se fasse en symbiose entre ces domaines, et non pas une au service de l’autre. On a plein d’idées qu’on veut explorer et voir si on arrive à augmenter l’expérience émotionnelle sans que la technologie soit trop intrusive et au service du vivant. Et on espère d'autres projets avec Romain.

Ok. On suivra ça de près. Merci !

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