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La petite histoire de la typographie dans le metal

Des simples caractères gothiques aux logos illisibles des groupes de black metal, voici une courte analyse du genre.
© Vertigo Records

Dans le lexique visuel du heavy metal, l’iconographie des groupes et les logos fonctionnent comme des cartes d’identité, à la fois pour les musiciens et les fans qui leur vouent allégeance en collectionnant leurs patches. Établir une classification typographique d’un genre qui a évolué de façon totalement anarchique ne pourrait se résumer à une analyse chronologique. En adoptant une vision d’ensemble du genre, on voit ainsi plusieurs motifs émerger. Les éléments gothiques et certain un goût pour la symétrie monochrome et l’ornementation sont évidemment discernables.

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La calligraphie médiévale, rendue dans la police Old English ou Gothic, a été empruntée par tout un tas de groupes de metal différents — de Black Sabbath à Behemoth — et une myriade de sous-genres. Considéré par certains comme le premier groupe de metal, Black Sabbath a eu recours à diverses polices tout au long de sa carrière mais c’est l’une d’entre elles, utilisée pour le nom du groupe sur la couverture de leur album de 1973 Sabbath Bloody Sabbath, qui a cristallisé cette tendance. Si la mention du groupe peut passer inaperçue sur cette pochette aux couleurs criardes, la typographie acérée de la police évoque inévitablement les paroles pénétrantes et les emprunts baroques de l’album. Pour la petite histoire, cet album avait été enregistré dans un château gothique médiéval de Gloucestershire, en Angleterre.

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Aske EP (1993) © Deathlike Silence Productions

Black Sabbath a ouvert et d’autres groupes, comme Motörhead, Dio, Bathory ou Possessed les ont imité, incorporant une typographie similaire sur leurs pochettes tout au long des années 80. Burzum a utilisé la police Gothic sur la plupart de ses albums des années 90. On évitera cependant de parler de l’album de Varg Vikernes sorti en 2014 avec un titre en Papyrus.

Blackletter est considérée comme une des premières polices de caractères de l’Histoire, elle apparaît au 15e siècle dans le « premier livre », la Bible de Gutenberg. Les pages du bouquin étaient si noircies par l’encre que le nom, « Blackletter » s’est peu à peu imposée. Dans son essai Blackletter logotypes and metal music, le Dr. Vitus Vestergaard suggère qu’il était tout à fait normal pour les groupes sataniques d’utiliser les codes — et donc la typo — utilisés par la religion pour se répandre.

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Vestergaard ajoute aussi qu’il existe aussi une relation en Blackletter et la littérature de fantasy médiévale. D’ailleurs, on trouve des dizaines de groupes qui tirent leurs noms dans l’œuvre de Tolkien (Burzum, Gogoroth ou Amon Amarth, par exemple). Là aussi, il y a un lien direct entre l’authenticité des groupes et l’univers imaginé par ces auteurs. La typo ne fait que suivre.

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© Christophe Szpajdel | Courtesy de l'artiste

Il est tout à fait possible que personne au monde ne soit aussi qualifié que Christophe Szpajdel sur l’esthétique du metal. Christophe est graphiste en Belgique et a imaginé quelque 7000 logos pour des groupes ou des titres d’albums dans sa carrière de 30 ans qu’on peut retrouver dans son bouquin Lord of the Logos. Selon lui, il y a une forte influence Art Déco et Art Nouveau dans le choix des polices qui accompagnent l’univers du metal. Des symétries et des enluminures qu’on ne retrouve qu’à ces périodes.

Paris ses créations, on retrouve le logo du groupe norvégien de black metal Emperor. On retrouve dans ce logo la symétrie et la régularité d’un rouleau de barbelés déroulé. Le tout mêlé à de larges lettres pleines qui s’apparentent à des ailes de chauves-souris. On trouve là encore des références à Blackletter, notamment dans la ligne ornementale. C’est au final, assez propre. Ça ressemble à la version graphique d’une partition pour batterie d’un morceau d’Emperor. Dans sa version la plus simple, où seul le « E » demeure, on retrouve quelque chose qui s’apparente plus à un blason porté par des guerriers se battant contre la chrétienté.

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DEEPRED band logo © Christophe Szpajdel 

Depuis quelques années, on ne compte plus les Tumblr et les memes qui se singent les logos metals. Que ce soit lorsque les typos sont utilisés pour Miley Cyrus ou parce qu’ils sont parfois totalement illisibles. Des logos « black metal as fuck » qu’on demande souvent à Szpajdel et dans lesquels il est parfois difficile de trouver des lettres — voyez plutôt ceux qu’il a réalisés pour DEEPRED ou N.V.One.

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© Christophe Szpajdel 

Vous pouvez suivre toute l’actualité de Christophe Szpajdel sur sa page Facebook.