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Culture

Dans l’institut de conservation de costumes du MET

Sept cent ans de mode sont préservés par les petites mains du Costume Institute au Metropolitan Museum of Art de New York.
Image de Une : Les restaurateurs dressent un rapport méticuleux de l’état de cette robe Prada qui vient juste d’entrer dans la collection. Sauf mention contraire, toutes les photos sont de l’auteure.

Derrières les portes closes d'institutions d'art des quatre coins de la planète, se cachent des machines à remonter le temps et autres chambres d'investigation. On y voit ressortir de ternes chefs-d'œuvre aussi éclatants qu'à leurs premiers jours ; on y perce des secrets de maîtres ; on y met à jour des compositions secrètes planquées dans de célèbres toiles. The Creators Project vous fait entrer dans ces laboratoires de restauration.

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Le laboratoire de restauration du Costume Institute, à New York, ressemble un peu à une salle d'opérations d'hôpital : les gens portent des gants en latex, manipulent d'étranges instruments, posent des draps blancs sur des tables immaculées. Les stylos plume ne sont pas tolérés — seulement les crayons — et on doit s'essuyer soigneusement les pieds avant d'entrer. Dans cet environnement clinique, dans le sous-sol du Metropolitan Museum of Art, Sarah Scaturro dirige une équipe de restaurateurs pour s'occuper de quelque 35 000 vêtements et accessoires, qui couvrent sept siècles et cinq continents.

« Nous travaillons principalement à échelle microscope ici », explique Scaturro, dégainant une panoplie de pinces à épiler très fines. « Par exemple, lorsqu'on coud quelque chose de très fragile, on utilise de la soie — un seul fil de soie. »

Les restaurateurs teignent des fils de soie pour obtenir la couleur parfaite.

Au fond de la pièce, un écran montre projète une composition abstraite de roses et de jaunes. Ce qui ressemble à un fin ruban est en réalité une seule fibre de coton, magnifiée par un microscope.

Un peu plus loin, le bras d'un stéréomicroscope Leica géant est pointé sur une robe en lamé Paul Poiret, prêt à en scruter les moindres particules. Un liquide blanchâtre semble avoir été renversé sur un coin du tissu. Après concertation auprès de leurs collègues du département de conservation des objets, l'équipe du Costume Institute essaie de voir si les mêmes méthodes de traitement contre la corrosion sur les objets en métal peuvent être utilisées sur ces fils délicats.

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Les collaborations débordent souvent du seul cadre du MET. « Nous avons la chance d'être près du Garment District de New York et et nous essayons d'employer ces ressources autant que nous pouvons », commente Scaturro. Pour l'exposition « China : Through the Looking Glass » du MET, une « robe à la polonaise » du XVIIIe siècle nécessitait une nouvelle manche au bras gauche, manquant depuis l'entrée de la pièce dans la collection, dans les années 70. Si le dernier empiècement, peint à la main, était un « effort vaillant » des précédents restaurateurs, « la technologie a évolué, nous avons donc travaillé avec une imprimante numérique du Garment District », explique Scaturro. Sous la lumière de la salle d'exposition, où les restaurateurs mettent à l'épreuve toutes leurs couleurs, la nouvelle manche n'y fait voir que du feu.

À droite, la manche peinte à la main ; à gauche, celle imprimée numériquement.

Les nouvelles technologies sont aussi utilisées pour améliorer les conditions de stockage de vêtements lourds et sophistiqués, comme ceux de la collection Charles James. Le Costume Institute veut revoir son système de cintres et de boîtes, qui causent des déformations ou des déchirures, avec des structures faites sur mesure pour apporter un meilleur soutien. À ces fins, les patrons des modèles originaux ou d'exposition sont scannés en 3D et des moulages sont réalisés pour les archives avec une machine CNC.

Si les technologies modernes deviennent les nouveaux outils des restaurateurs, le travail à la main reste incontournable, comme la restauration d'une robe Shaker du XIXe siècle attaquée par des insectes et que l'assistante restauratrice Cassandra Gero reprise avec une infinie patience. Certaines méthodes ne changent pas.

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Sarah Scaturro, conservatrice en chef du Costume Institute.

Ces montures faites sur mesure permettent aux restaurateurs d'inspecter les chaussures sous tous les angles en les touchant au minimum avec les mains.

La conservation du plastique est un important champ de recherches, surtout avec l'introduction massive de matériaux synthétiques par les stylistes contemporains. Avec l'âge, le plastique peut perdre son éclat et jaunir, comme sur cette chaussure Herbert Levine.

Vue au microscope d'une fibre de nylon sous lumière polarisée issue de la doublure d'un sweat-shirt par Ensemble, Rei Kawakubo pour Comme des Garçons, collection printemps été 2012. Micrographie de Glenn Petersen, restaurateur au Costume Institute © The Metropolitan Museum of Art.

Le restaurateur Glenn Petersen traite une robe de bal House of Worth à la vapeur d'eau.

Si vous vous êtes déjà demandé comment agit la transpiration humaine sur le tissu sur le long terme, voilà la réponse en image.

Les restaurateurs n'utilisent jamais, au grand jamais, le fer à repasser. À la place, ils ont recours à des poids enveloppés dans du Tyvek et de la mousseline (à droite sur la photo) pour aplatir le tissu.

« Quand vous travaillez sur quelque chose vieux de plus de cent ans, il y a des chances qu'elle ait été dévorée à un endroit ou à un autre », explique l'assistante restauratrice Cassandra Gero tandis qu'elle reprise un coin de tissu endommagé par des insectes.

Cliquez ici pour en savoir plus sur le Costume Institute du Metropolitan Museum of Art.

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