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Culture

Comment 25 ans d’indépendance ont influencé les artistes ukrainiens

Une exposition à Chicago montre l’impact de la liberté sur l’art en Ukraine, à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières, depuis la chute de l’URSS.
Silencing The Cacophony, 2015, Yulia Pinkusevich. Acrylic, spray paint, oil, vinyl, marker on linen. 69 x 161 inches. Photos courtesy of the artist

Avec « Reality Check », la commissaire et conférencière Adrienne Kochman cherche à explorer les effets d’un quart de siècle d’indépendance ukrainienne sur les artistes dans le pays et parmi la vaste diaspora. Cette exposition à l’Ukrainian Institute of Modern Art (UIMA) de Chicago — dans l’Ukrainian Village, un quartier avec une population issue des pays slaves — coïncide avec la commémoration des 25 ans d’indépendance de l’Ukraine, depuis l’effondrement de l’URSS. Des sculptures, peintures, installations témoignent de l’impact significatif de la souveraineté nationale sur le travail à la fois des natifs ukrainiens et des artistes émigrés.

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Les Ukrainiens qui ont fui l’URSS se voyaient souvent refuser tout retour dans leur pays d’origine. Dans leur pays d’asile, se sont ainsi construites de nombreuses communautés, qui « œuvraient activement pour garder vivantes la culture et les traditions ukrainiennes », explique Kochman. « Y compris la langue, l’éducation, la musique, beaucoup d’efforts culturels. Comme ces aspects de la culture ukrainienne étaient soviétisés et russifiés, ils ont été changé avec force. » En résulte des communautés où les artistes ont développés un attrait très fort et particulier pour un endroit où certains n’ont parfois jamais été.

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Lydia Bodnar-Balahutrak, Bear (T)hugs, 2015. Ours en feutre, 5 poupées russes en bois peint. 25 x 36 x 15 cm.

Les œuvres des artistes émigrés sont ainsi basées sur leur propre idée de l’Ukraine et de la rencontre de leurs attentes avec la réalité, mêlant traditions ukrainiennes et héritage russe et soviétique. Bear (T)hugs de Lydia Bodnar-Balahutrak (née à Cleveland) représente un ours — symbole de la Russie — avec des poupées russes à l’effigie de Poutine, Staline, Lénine, Raspoutine et autres joyeux lurons. Tandis que sa série In The Nests explore des thèmes socio-politiques et économiques à travers les animaux, où un oisillon est par exemple nourri avec des pièces russes. Les peintures de Natalka Husar (originaire du New Jersey), des Ukrainiens sapés comme des gangsters russes, interrogent les questions d’identité, tant sur le plan culturel que politique.

L’ouverture des frontières et des communications a cependant fonctionné à double sens. « Les artistes d’Ukraine étaient intéressés par les styles ou les mouvements développés dans l’Ouest, et ont misé là-dessus dans leur carrière », précise Kochman.

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Anna Bogatin, Aurora, 2015. Acrylique sur toile. 122 x 122 cm.

Anna Bogatin a vécu dans différents coins de l’URSS avant de s’installer aux États-Unis en 1992, un tournant culturel qui se reflète dans sa pratique mêlant hautes et basses technologies. Des images de nature sont soumises à des retouches numériques avant d’être méticuleusement peintes à la main. Il en résulte une abstraction prismatique, comme une infographie de la nature. Yulia Pinkusevich, née dans une région de l’est de l’Ukraine aujourd’hui aux mains des séparatistes, est derrière l’impression et fascinant Silencing The Cacophony, revenant sur le sentiment qu’elle a éprouvé depuis la Californie lors des bouleversements de son pays d’origine. Les images issues des médias ou de drones, saturées de fumée débordant jusque sur le mur où l’œuvre est accrochée, et les sacs de sable gisant à ses pieds — reliques de l’Euromaidan — témoignent d’une vision moderne de la guerre comme événement esthétique.

Le 25e anniversaire de l’Indépendance ukrainienne a été célébré le 24 août dernier dans un contexte de tensions toujours plus vives, où plane le spectre dal Guerre froide. Les emblèmes ukrainiens, bleus et jaunes, visibles sur les commerces dans le quartier de l’UIMA, et les messages d’appel à l’unité nationale et à un pays libre, rappellent combien la liberté qui est célébrée aussi dans « Reality Check » est fragile — et les productions elles-mêmes combien elles sont cruciales.

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Yulia Pinkusevich, Silencing The Cacophony, 2015. Acrylique, peinture en spray, huile, vinyle, marqueur sur lin. 1,75 x 4,09 m. 

« Reality Check » est à voir à l’Ukrainian Institute of Modern Art, à Chicago, jusqu’au 27 novembre 2016. Pour plus d’infos, cliquez ici.