Une typologie des gens qu'on croise à la FIAC
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Paris

Une typologie des gens qu'on croise à la FIAC

Riches collectionneurs, étudiants fauchés, artistes pétés, candides promeneurs et stars sur le retour : on croise de tout dans ce dixième cercle de l'enfer.

La FIAC est un monde. Un monde qui de l'extérieur peut donner assez envie — imaginez ! Des milliers d'œuvres parmi les plus rares et chères au monde, rassemblés sous quelques toits — mais qui une fois franchie la porte se transforme en un dédale impropre et sans fin où se croisent autant d'hydres que de demi-dieux sur le retour. La FIAC, c'est l'assurance de s'engager dans une aventure de notre époque, où les codes sont codifiés, les normes, normées et les gens faciles à identifier.

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C'est en partant de ce constat — et contre toute notre volonté — que nous nous sommes rendus sous la verrière du Grand Palais samedi dernier. Histoire de dresser une typologie des personnes qu'on croise à la FIAC, en 2016, mais surtout tous les ans. Édition après édition.

L'adhérent
En pleine FIAC, la collection de feu Claude Berri s'est envolée pour 9 millions de dollars, sous le marteau épileptique de Christie's*. Et ce, "malgré des incertitudes pesant sur un marché secoué depuis le 13 novembre dernier par les retombées des attentats à Paris" a-t-on pu lire dans la presse spé, rarement embarrassée par l'empathie. Si vous pensez que la vente aux enchères de ces 77 oeuvres, elles-mêmes financées par les films de Christian Clavier et vendues en grande partie aux Qataris constitue un cercle vertueux de l'économie de marché, alors vous êtes un adhérent. À la FIAC, l'adhérent ne bénéficie d'aucune remise. Mais il s'en fout : vieil élitiste suisse, grosse fortune texane ou néo-magnat Hong Kongais, il nage en plein budget no-limit, est ravi d'être là et se satisfait parfaitement de l'épaisse mousse spéculative qui règne ici. Pneu incrusté de diamants, galette de feuilles d'or, vitrines vides et énième installation en néon de parking… Tout cet humour de riche déployé le long des stands le fait bien marrer. Où le trouver ? Hilare, face à tous les stands où le curseur subversif est réglé entre aimable chatouille et massage thaïlandais.

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Le FIAC-freak
Il a crypté son style au dernier degré, par mimétisme avec – selon elle/lui– les oeuvres présentées. Une technique d'acclimatation qui ne marche ni devant le Berghain à 7 heures du mat, ni ici.

Le badaud 
À 35 euros l'entrée pour près de 200 galeries représentées, le ratio est d'à peine 13 centimes par galeries. Une aubaine dans l'esprit du touriste du dimanche. Le problème, c'est qu'une édition de la FIAC ressemble toujours plus ou moins à une autres édition de la FIAC : un buffet d'oeuvres fusions et de pain surprise sans gluten. Un vaste déballage précieux et désordonné, un grand inventaire conceptuel du fun et du chic, entre crasse et strass. Un florilège suréclairé d'où le regard sort rincé. Et malgré les mines bien obéissantes de 90 % des visiteurs, personne n'est capable de ressentir la moindre cohérence artistique. La FIAC est la seule Foire qui fait tout pour ne pas en être une. Ici, seul le blanc de la scénographie et les grilles tarifaires font office de liant. Un peu léger. Certains cherchent le fil rouge aux cimaises, d'autres au plafond ou à leurs pieds. J'ai vu une meuf, pragmatique, qui se maquillait dans le reflet d'une oeuvre. Le badaud lui, regrette d'avoir lâché 35 balles pour se balader d'un rayon conceptuel à un autre.

Le politique de gauche 
Peut-être le plus à l'aise. Déambulant, coupe dans une main, l'autre dans celle des autres, dans ce paradis où enfin est appliqué son fantasme d'une culture adaptée à l'économie de marché. Quelques photos devant une croûte et vous pouvez être sûr que c'est lui, et lui seul, qui fait ici une bonne affaire.

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L'étudiant japonais
Il a parcouru près de 10 000 bornes en mode ruée vers l'Art pour tenter quinze minutes de rendez-vous après d'un florilège finement sélectionné de galeristes. Le jeune homme est armé d'un porte-vue 80 pages, farci des biographies complètes – ainsi que d'une solide revue de presse – de ses idoles des galeries Miguel Abreu ou Alfonso Artiaco. Une oeuvre hybride, qui s'ignore et méritait en soi d'être exposée.

Le marchand d'Art de province 
Est venu se refaire les dents à la capitale. En fait, il tient lui aussi Salon, 8e Avenue pour être exact. Un événement parasite dédié au Streetart, solidement agrippé aux parois intestinales de la FIAC depuis l'année dernière. Au coeur de ce ténia long et surchauffé, le visiteur racketté (entrée 15 €, catalogue 20 €, voiturier 10 €) croisera une flore haute en couleur, revue à peine sélective du pire de Pasqua, Jef Aérosol, Miss Tic ou Nasty. Plus tard, paumé sous la verrière du Grand Palais, cet ancien brocanteur et neo-Urban-Art-dealer, sera bien incapable de voir ce qui sépare son métier de ces "branchés qui ne parlent même pas français". Parce que oui, il dit « branché ».

Le réac' 
N'a certainement pas payé son entrée pour une telle escroquerie, mais est clairement venu s'en payer une bonne tranche. Où le trouver ? Sourire au lèvres face à Kraupa-Tuskany Zeidler, perplexe chez Balice Hertling ou Allen, indigné – à raison – par les prix des oeuvres de Richard Prince.

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Sophie Marceau  
Pense elle aussi avoir apporté sa pierre à la grande maison contemporaine le week-end dernier. En même temps, son public est un garçon-pâtissier. Sophie Marceau fait du Sophie Calle et ça donne mal à la tête.

Une vidéo publiée par Sophie Marceau (@sophiemarceau) le

20 Oct. 2016 à 6h34 PDT

Le Godefroy de Bouillon 2.0 
Mini-moustache, slim noir et cardigan asymétrique… Cet horrible cherubin fait mine de comprendre et ressentir toutes les oeuvres exposées, qu'elles soient minimalistes ou ultra-réflexives. Ce qui est mentalement impossible, même sans gueule de bois post-Bal Jaune. Affiche sa coupe du Guesclin avec presque autant d'ostentation que son accent de Madonna décentrée. Parmi les rencontres les plus horripilantes de la foire. Grosse concentration au premier étage du Grand Palais.

Le tapin de vernissage 
S'acclimate finalement très bien à son nouveau terrarium.

Allez, on se retrouve dans deux semaines pour Paris-Photo.