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Culture

J’ai utilisé ma schizophrénie pour devenir une artiste professionnelle

Des hôpitaux psychiatriques au désert de Mojave, Linda Sibio a exploité sa propre folie pour faire des œuvres visionnaires.
Incident at Sheep's Bay, 2007, 13"x 20"

Tout au long de sa longue et prolifique carrière comme artiste plurimédia, Linda Carmella Sibio a lutté pour garder toute sa tête. Mais quand elle s’est retrouvée à avaler 43 médocs différents pour soigner sa schizophrénie, elle a décidé de tout plaquer, chiens et chats compris, et de partir s’installer dans le désert de Mojave, vers Los Angeles, plutôt que de finir en hôpital psychiatrique. C’était il y a 20 ans, et depuis, Sibio n’a pas regardé en arrière une seule fois.

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Née et élevée en West Virginia, Sibio a obtenu sa licence de peinture à l’université de Ohio à Athènes et a étudié l’histoire de l’art et la sculpture à L’École des Beaux Arts de Lucca, en Italie. Elle travaille comme peintre professionnelle et artiste plurimédia depuis 1975, soutenue par de nombreuses bourses et institutions. Comme elle transforme une toile blanche en œuvre d’art torturée et souvent provocante, Sibio a transformé sa maladie en sujet de création et, dans un sens, en outil artistique.

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L'artiste dans son studio, photographe inconnu, 2003.

Sibio dit avoir eu son éducation dans les bus de Greyhound, de la bouche des habitants de Bowery et dans les halls sombres de l’asile où sa mère était internée avant de se suicider. « Mes profs étaient la schizophrénie, la psychose, le démembrement et la fragmentation », dit-elle. « Je vis parmi les fantômes de ma vie dans un temps fait de déchets. »

En plus d’être artiste, Sibio a enseigné, entre 1985 et 2008, aux personnes touchées par des maladies mentales, ce qui lui a ouvert une nouvelle approche de l’art qu’elle surnomme « Le principe d’insanité ». Cette approche comprend d’utiliser les symptômes de problèmes mentaux comme catalyseur d’un « voyage primitif » qui permet à ceux qui la pratique de s’intégrer, dans un sens, dans la société.

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Trilogy of the Dying Babies, 2006. Gouache et encre Sumi sur papier, 121,92 x 243,84 cm.

En termes de pratique artistique, Sibio croit que son approche de l’art change et évolue en fonction de ses projets. Au début de sa carrière, entre 1975 et 1985, elle a peint des peintures à l’huile à partir de vieilles sérigraphies et de matériel récupéré. La phase suivante a également inclus l’écriture, la performance, la sculpture et la musique. C’est pendant cette période, entre 1985 et 1996, qu’elle a commencé à pointer les problèmes tels que la malade mentale, la vie dans la rue ou le suicide, à travers des expositions d’installations à grande échelle, dont une réplique de salle de torture, d’un laboratoire scientifique et d’un ring de boxe.

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« Je découvre sans cesse mon art, quels matériaux je vais utilisr, quels concepts je vais développer », dit-elle. « J’ai déjà prévu des expositions pour les 20 prochaines années. Je suis obsédée par la production artistique. Je m’ennuie rapidement et j’essaie toujours de nouvelles techniques pour satisfaire les images qui me viennent à l’esprit. Souvent quand je suis au travail, je réalise soudain que je n’ai pas dormi. J’aimerais ne pas avoir à me brosser les dents, les cheveux, prendre de douche, etc. Tout ce que je veux faire c’est créer. »

Sibio vient à Los Angeles en 1984 et découvre à la fois la folie et l’inspiration. « Quand je traînais dans les rues de Los Angeles, j’étais une artiste émergente frustrée de ne faire que de la peinture. C’est là que j’ai découvert ma propre vision et méthodologie pour créer », se souvient-elle. « La vie et l’art étaient intimement liés à Los Angeles. J’ai fait certaines de mes meilleures œuvres dans cette ambiance de liberté totale. »

Après ce qu’elle décrit comme une « dépression nerveuse » en 1997, Sibio déménage pour le désert de Mojave pour commencer une méditation. « Une vanne s’est ouverte dans ma psyché et dans mon âme, et en sont sortis des hiéroglyphes et des glyphes, que j’explore encore aujourd’hui. Dans un sens, je pense que j’ai développé ma propre mythologie personnelle et le vocabulaire visuel correspondant. »

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À gauche : Reflections in a Broken Mirror, 2010-aujourd'hui. À droite : Reflections in a Broken Mirror, 2010-aujourd'hui.

Ironiquement, Sibio dit qu’elle trouve moins de soutien dans les galeries de LA qu’à New York, où elle représentée par Andrew Edlin Gallery. Pourtant, ce sont les paysages de la Californie du sud et ses vastes étuendues, à la fois physiques et intellectuelles, qui lui permettent de traduire ses visions, généralement selon une préparation rituelle spécifique.

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« Je me prépare pendant deux heures minimum en atteignant un certain état de transe où mon attention et ma concentration sont renforcées », raconte-t-elle. « Je change complètement mes modèles de pensée. C’est de cet état fragmenté que je crée mes meilleures œuvres. »

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The Seventeen Gates of the Encoded, 2012. Gouache et encre Sumi sur papier, 33 x 50,8 cm. Rachel Rosenthal Collection.

En ce moment, Sibio travaille sur un projet appelé The Economics of Suffering, une série de 500 dessins au stylo et à l’encre, sur la finance et l’hospitalisation, qui seront ensuite assemblés en sculpture immersive. Elle bosse également sur un livre, Reflections in a Broken Mirror, et a mené un projet de mode intitulé Crazy for a Day. Mais quel que soit le médium qu’elle emploie, qu’elle explore une forme ou une fonction, c’est ladite « folie » de Sibio qui est finalement sa raison — une ligne de conduite qui l’amène loin dans ses pensées et le rend visibles.

« L’intention et l’élan derrière mon travail est de découvrir, apprendre, explorer les états de mon esprit schizophrène », explique-t-elle. « Je sens qu’une partie de mon travail est de commencer à partir de ma vision personnelle et de la rendre universelle par nature. L’art m’aide à trouver ma place dans un monde compliqué. »

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Holy Mountain, 2013. Charbon sur papier Arches, 243,84 x 121,92 cm.

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O Ye Nurturing Death, 2015. 22,86 x 27,94 cm.

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À gauche : Schizophrenic Brain Trust, 2015. À droite : Schizophrenic Brain Trust Two, 2015. 22,86 x 27,94 cm.

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Checkmate Monkey Stew

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