LE SORCIER AUX ÉTRIERS REMONTE EN SELLE
Et si un parc de Memphis était le dernier symbole raciste de l’Amérique moderne ? Le Ku Klux Klan n’y voit qu’un vestige de l’histoire, beaucoup ne sont pas de cet avis
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« Non, a-t-il répondu d’une voix traînante. Il possédait la culture de son pays à cette époque. Il n’avait aucun grief contre un groupe de personnes en particulier ; il se battait pour ce en quoi il croyait. » Mais en quoi croyait NBF exactement ? C’est ce que je me demandais mais j’ai pensé qu’il était inutile de poser la question à un homme qui aimait tant l’Histoire et la guerre de Sécession. C’était pourtant le nœud du problème ; l’éthique obscure d’un homme qui restera dans les annales pour avoir systématiquement divisé. Plus tard, en parcourant les quelques livres consacrés à NBF, j’ai peut-être trouvé ma réponse. Dans la préface à l’édition de 1989 de la biographie référence de NBF, écrite par John Allan Wyeth, le professeur d’histoire de l’université de Western Michigan Albert Castel écrivait : « Malgré la rhétorique des politiciens du Sud et des éditeurs concernant les “Droits des États” et le “nationalisme sudiste”, [NBF] ne se faisait pas d’illusions quant aux vrais buts [de la guerre civile] : “Si nous ne nous battons pas pour conserver l’esclavage, pour quoi diable nous battons-nous ?” » Après sa mort – liée à des problèmes de diabète – en octobre 1877, NBF a été enterré dans le cimetière d’Elmhurst, comme il le souhaitait. L’exhumation de son corps et son transfert à Forrest Park par des sympathisants des Confédérés vingt-cinq ans plus tard suscite toujours des interrogations. Il est déjà difficile d’enlever la statue (Mme Fullilove m’a expliqué qu’une injonction de la Cour serait nécessaire) mais le corps de NBF confère en sus un élément macabre au problème, élément que les hommes politiques ont largement évité de considérer. La tombe de NBF n’est pas éloignée de l’homme qu’il a été : elle est têtue et résolue. Né dans la pauvreté le 13 juillet 1821 à Chapel Hill, dans le Tennessee, NBF est le plus invraisemblable des héros. Aîné de sept frères et trois sœurs, il est devenu le chef du foyer à 16 ans, à la mort de son père forgeron. Illettré toute sa vie, NBF a amassé une fortune considérable en tant que propriétaire de plantation et marchand d’esclaves. Après que la guerre fut déclarée, il s’est enrôlé dans l’armée confédérée malgré son absence de formation militaire. C’était pourtant un tacticien inné et un homme courageux ; il a vite gravi les échelons. Lorsqu’il a été nommé lieutenant général, NBF avait déjà recruté une force loyale et nombreuse issue du grand Sud. La plus grande contribution de NBF à l’humanité tient sans doute dans ses stratégies de combat, dont certaines ont servi de base aux techniques militaires de l’armée américaine cent ans plus tard. L’écrivain et poète du Tennessee Andrew Lytle a un jour décrit NBF en ces termes : « consolateur spirituel », du fait du statut mythique qu’il a atteint les décennies après la guerre civile. C’est peut-être pour ça que NBF a été nommé premier chef du Ku Klux Klan à la fin du XIXe siècle.
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« On ne tourne pas le dos à la croix de feu ! » a hurlé une voix dans la foule avant que la croix s’enflamme. Sachant que quelques heures plus tôt, j’étais persuadé que le Ku Klux Klan était à l’agonie et qu’une Amérique nouvelle l’avait balayé, la mise en garde du klansman était le meilleur conseil que j’avais reçu de la semaine. La bigoterie américaine a, en effet, encore de beaux jours devant elle.Retrouvez le KKK, les Grape Street Crips et la ville de Memphis dans un documentaire qui retrace l’intégralité de l’événement, bientôt sur VICE.com.